« Tonton Slash, qu'est-ce qu'y a sous ton grand chapeau ? ».
En voilà une bonne question. Avant 2010, beaucoup d'entre nous auraient instinctivement répondu « des riffs et/ou des solos de gratte ». Mais depuis 2010 on peut désormais répondre « des films d'horreur ». En effet, notre guitariste à la tignasse légendaire, reconnu comme grand amateur de cinéma de genre, s'est lancé dans la production de films d'horreur sous la bannière SLASHER FILMS, devenue par la suite SLASH FICTION en raison de divergence avec son ancien associé (non non, je vous vois venir, ce n'est pas Axl Rose).
A l'heure actuelle Saul Hudson n'a réellement produit qu'un seul film sorti en 2013 « Nothing Left To Fear » (Les Portes de l'Enfer : la légende de Stull), mais un second est annoncé depuis 2015 (« Black River », anciennement dénommé « The Hell Within ») pour lequel une campagne de crowdfunding a même été menée (trailer : https://www.youtube.com/watch?v=XJ7symizJQo&feature=youtu.be).
Qu'en est-il donc de ce premier film ? Notre Slash a-t-il eu du flair avec cette production ? Dispose-t-il d'une nouvelle corde à sa guitare avec ce nouveau rôle ? Nous allons essayer de répondre à toutes ses interrogations.
Sur le papier le film dispose de quelques atouts/attraits : Anne Heche au casting (Volcano,6 jours 7 nuits, Donnie Brasco, Psycho (le remake), Souviens toi…l'été dernier…) et Clancy Brown (Starship Troopers, Blue Steel, Pathfinder, Cowboys & Aliens, Les Griffes De La Nuit (le remake)…) ; une légende connue (la ville de Stull, notamment son cimetière, serait l'une des sept portes de l'enfer et le mal viendrait se promener lors d'une nuit particulière) sujette à de très nombreuses anecdotes (Jean-Paul 2 aurait dérouté son avion pour ne pas survolé la ville, la nuit d'Halloween de nombreux touristes viennent visiter la ville pour y déceler des phénomènes surnaturels/paranormaux, des morts étranges et inexpliquées, des patrouilles et rondes seraient effectuées par les habitants autour du cimetière…).
Mais malheureusement, comme dans le sport, il y a parfois un gouffre entre ce qui était prévu sur le papier et ce qui sera réalisé sur le terrain. En effet ce « Nothing Left To Fear » s'avère être un fiasco qui ne fait jamais frissonner, ni même sursauter. Il arrive même que l'on ressente un ennui profond à certains moments, un comble pour un film de genre voulant instaurer un climax oppressant et une montée crescendo dans l'épouvante/horreur.
Et ne cherchons pas une excuse du côté du budget : à titre de comparaison les 3 millions de dollars alloués à ce film sont bien supérieurs aux 60 000 dollars de budget estimé pour le « Projet Blair Witch » de 1999. Sans compter qu'il cumule également des clichés vus, revus et assez grossiers ; et que l'on sent bien qu'Anne Heche n'est pas impliquée dans le rôle (elle apparait très peu à l'écran).
Je vous alerte tout de suite : il ne se passe pas grand-chose, je suis dans l'obligation de spoiler le film pour donner mon avis.
Le synopsis est basique : un pasteur et sa famille arrivent dans une petite ville du Kansas pour remplacer le pasteur actuellement en poste. Premier cliché me diriez-vous avec ces citadins qui arrivent dans l'Amérique profonde avec un certain malaise dès le début. Effectivement l'arrivée est brutale même si des éléments « beaux » sont là pour maquiller la sombre réalité : le beau gosse à l'entrée du village pour charmer les filles mais qui va quand même égorger un mouton devant les yeux horrifiées de l'ainée qui est à la fois tentée et effrayée (les 2 sont des gravures de mode, ça sent l'amourette…) ; la belle maison qui leur est attribuée va plaire aux parents mais pas aux enfants (avec des rats dans la chambre de la petite sÅ“ur…qui elle aussi fait très/trop adulte pour son jeune âge - autre cliché des mauvais films d'horreur) ; un gâteau appétissant qui renferme une dent avec laquelle Mary s'étouffe en crachant du sang (cette dent marque le fait qu'elle est choisie pour être le « véhicule de l'Å“uvre du malin »). Cette dent servira un peu plus tard au rituel durant lequel l'ancien pasteur s'ouvrira les poignets pour invoquer la Bête (et établir un lien de sang entre ces 2 personnages). Enfin, l'enlèvement de Mary pour le sacrifice est comme par hasard orchestré lors d'une fête foraine durant laquelle le reste de la famille est bien sagement occupé à s'amuser et profiter des bons moments proposés. Pas vraiment original…
Second cliché : les prénoms des personnages sont très connotés religieusement. En effet, le film met en scène Mary (comme par hasard c'est elle, la petite sÅ“ur, qui sera possédée par le démon) ; leur petit frère se nomme Christopher (St Christophe, le protecteur des voyageurs, dont la grande scène se commencera dans une maison du voisinage pour se terminer dans une voiture…) ; Dan (le nouveau pasteur est le diminutif de Daniel, considéré comme un prophète) ; Mr Kingsman (l'ancien pasteur, pas besoin d'une traduction je pense…et quelle modestie dans le nom lol) ; Noah et Rebecca qui évoluent dans un jeu de séduction que l'on sent pas très sain (les 7 lois de Noah, Rebecca l'une des 4 matriarches sont de forts symboles religieux) ; Mason le voision à priori accueillant (littéralement celui qui travaille la pierre…les pierres tombales, nous sommes bien d'accord hein ?! ) ou encore Wendy (référence à Peter Pan, l'enfant qui ne veut/va pas grandir…choix ou malédiction ?). Bref comme vous le voyez, plus la ficelle est grosse, plus ça passe…ou ça ne passe pas dans le cas présent.
Troisième cliché : dès la première nuit, l'ainée fait un cauchemar où elle voit une femme possédée qui crache une matière noire malfaisante voulant se répandre. L'apparition est tellement téléphonée (sentiment d'être observée à travers la fenêtre, orage, musique qui se veut énigmatique…) que l'on n'a pas peur une seconde. Les effets spéciaux sont certes corrects, mais ils ne cassent pas 3 pattes à un canard…d'ailleurs ce sera l'un des rares effets visuels du film. Le budget n'est à priori pas passé là , enfin j'espère ^^.
Petit à petit on comprend que cette famille n'est pas là par hasard, qu'elle a été choisie et que tout a été méticuleusement organisé et planifié pour accueillir un être démoniaque. Je peux comprendre que le réalisateur souhaite poser les bases de son histoire, mais attendre plus d'1H pour que le tout s'emballe (un peu) c'est quand même du foutage de gueule. Et encore, avec quelle scène : Mary possédée et cadavérique dévore vivant le rat aperçu dans sa chambre, en début de film…prévisible et surtout filmé mollement.
Quant aux parents, ils ne semblent pas être plus terrorisés que cela. Sa mère, campée par Anne Heche, ne semble pas si perturbée que cela de voir sa fille dans cet état progressif d'aliénation. D'ailleurs elle se fera vidée de sa force vitale sans résistance ni protestation (ah, l'amour d'une mère…). En tout cas le film est toujours aussi mou, même dans les scènes qui se veulent horrifiques !
Le père s'est quant à lui étrangement absenté de la maison, malgré sa fille à l'agonie, à la demande de l'ancien pasteur Kingsman qui lui signale un problème dans le lieu de culte communal. C'est vrai que voir sa fille muter en démon n'est pas préoccupant du tout…no comment !!!
Je vous passe la grande révélation du plan machiavélique du méchant pasteur au gentil nouveau pasteur, qui en plus rate sa tentative d'assassinat (c'est ballot). Mais ce loupé est finalement une « « « belle opportunité » » » (notez les guillemets) car on peut bénéficier d'une pseudo tentative d'exorcisme ratée. Cet échec est tellement prévisible que même les acteurs ne semblent pas y croire un seul instant et nous font sentir que cela va inévitablement foirer (il n'y a qu'à voir le force de conviction et la bravoure du pasteur dans l'évocation de paroles sacrées pour délivrer sa fille)… « L'exorciste en folie » (nommé également « Y a-t-il un exorciste pour sauver le monde ? ») avec Leslie Nielsen n'est pas si loin lol.
Noah, le beau gosse recueilli et élévé par l'ancien pasteur Kingsman (comme par hasard), a une attitude ambiguà« jusqu'au dénouement final : il semble tirailler entre l'amour naissant avec Rebecca (il lui fait des révélations au compte-goutte) et la mission maléfique dont il est chargé et dont il s'acquittera. Car grande révélation, mais tellement prévisible pour les habitués du genre, s'il prend Rebecca sous son aile et l'incite à la suivre sous le prétexte de survivre, il l'emmène droit dans la gueule du loup pour la seconde partie du sacrifice. En effet, l'offrande de Mary a servi à ouvrir une porte, l'offrande de Rebecca va servir à refermer cette porte. Les habitants de Stull sont sujets d'une malédiction qu'ils ne comprennent et ne maîtrisent pas. Ils doivent accomplir des rituels, inexorablement, pour accueillir et faire partir le mal qui vient en quelque sorte se balader à Stull (l'intérêt de tout cela ? Je n'en vois pas). Ils sont bourreaux, victimes, prisonniers et marionnettes à jamais de cette ville et de cette fatalité (la scène avec Christopher caché dans une maison du voisinage montre parfaitement cette soumission volontaire des habitants).
Le sacrifice de Rebecca, toujours pas flippant pour un sou, et ses conséquences confirme la malédiction des habitants de Stull : l'histoire recommence exactement comme au début du film. Une nouvelle famille arrive dans le village, avec des garçons cette fois, et sans la moindre surprise on constate que c'est désormais « Rebecca » (et non plus Noah en tentation de l'interdit) qui égorge un mouton et allume l'ainé de la famille. à‡a continue (encore et encore!), c'est que le début (d'accord, d'accord!).
Pour un premier film produit, on ne peut pas dire que Slash soit passé à un cheveu de la bonne découverte. Bien au contraire, ce « Nothing Left To Fear » se révèle être un film prévisible, manquant de rythme et surtout nullement effrayant. Décevant, on espère que le guitariste aura plus de flair et d'inspiration la prochaine fois, même si on attend surtout de sa part un nouvel album des GUNS N'ROSES. Mais cela est un autre problème, quoique…
Bon visionnage…ou pas. A vous de voir ^^.