Le goût du vin aux lèvres
Et le menton poudré,
La duchesse chasse le lièvre
Parmi les attablés.
Dix-huit siècles égrainés,
Elle n'attendra pas tant,
Pour le délice trouver
Chez un gracieux amant.
Elle voit le rossignol,
Rayonnant de fraîcheur,
Et à force d'alcool,
Chemine jusqu'à son coeur.
Le jeune homme confus,
Succombe et s'abandonne,
Oubliant sa vertu,
À l'imposante madonne.
Dans un doux lit lovés,
Les amoureux jubilent.
La passion consommée,
La belle devient plus vile,
Et trahit d'un coup fourbe
Le triste bien-aimé:
Elle l'étouffe en ses courbes,
Et le voilà piégé.
La muse corpulente
Assoit sa toute puissance
À la façon des mantes :
Elle se remplit la panse,
Vorace et impatiente,
Dégustant sa jouvence
À des sources galantes
Parfumées d'innocence.
Le malheureux transi
Descend dans l'oesophage.
Spectaculaire mariage,
Que ce festin impie.
Craquent les os fragiles
Et comme l'amour est fou
Quand l'être a si bon goût,
Entre les dents habiles.
Exclusive en ses draps,
Elle ne partage pas
Un met si raffiné,
Un si bel invité ;
Et exerçant ainsi
Son immense appétit
Elle avale le vermeil
Jusqu'au dernier orteil.
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(Ce poème est dédié à Hikiko Mori, qui à travers ses arts, et son style tranchant, aura inspiré ces quelques vers.)