Je m'apprête à dire quelque chose qui, pour ma génération, va sonner comme un coup de tonnerre : plus le temps passe, et plus j'ai du mal à apprécier Harry Potter. Et bizarrement c'est assez localisé : les trois premiers me plaisent toujours beaucoup, et plus on va vers la fin, plus je lâche l'affaire. Attention, bien loin de moi l'idée d'en dire du mal : je pense que j'ai tout simplement vieilli. Je vois des choses que je ne voyais pas avant, je perçois plus de failles. Qu'on se rassure, on est bien loin de la chute abyssale quand j'ai redécouvert mes séries Power Rangers d'enfance, après avoir vu entre autres The Grandmaster et The Raid. Là , impossible d'y revenir avec tendresse. Mais on n'en est pas là .
Pourtant, mais crise de la moldutesse est bien là , et à vrai dire, je n'aurais pas rechigné à ce qu'un nouveau monde magique un peu plus solide s'offre à moi. Et c'est alors que par un heureux concours de circonstances, Akata Witch est tombé entre mes mains.
Akata Witch, c'est l'histoire de Sunny, jeune adolescente albinos qui, bien que née au Nigeria, a grandi aux Etats-Unis, puis y est retournée, suivant les allées et venues de sa famille pour le moins dysfonctionnelle, entre un père impulsif et violent, une mère pétrie d'angoisse jusqu'au malaise, et le sentiment d'être indésirable par comparaison à ses grand-frères, virils et peu chaleureux. Pour ne rien arranger, Sunny est albinos comme je le disais plus tôt, ce qui ne va pas sans son lot de quolibets au Nigeria. Quel que soit le bout par lequel on le prend, Sunny est déracinée à plus d'un titre.
Pourtant, un jour, elle est frappée d'une vision cauchemardesque, et découvre une étrange bestiole dans sa chambre. Elle ne manque pas d'en parler à ses amis (les seuls) : la très indépendante Chichi et le très soucieux Orlu. À force de discussion, les deux amis en viennent à une conclusion : Sunny fait partie du "Peuple Léopard". Vous vous demandez ce que c'est ? Je vous la fait courte : "Tu es une sorcière, Sunny" ! Le reste, c'est à vous de le lire.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'Akata Witch est le premier roman d'une trilogie, qui ouvre la voix à Akata Warrior et Akata Woman. N'ayant lu pour le moment que le premier, je vais rester sur Akata Witch, qui déjà avait matière à me plaire beaucoup !
En effet, j'ai retrouvé cet espèce de frisson grandiose à la découverte du monde sous cloche du "Peuple Léopard". On expérimente avec Akata Witch la révélation d'un monde parallèle, magique, dans la plus pure tradition Africaine, avec ses lois, ses modèles sociaux, sa culture, et ses problèmes. Problèmes qui, d'ailleurs, à tout moment peuvent impacter le monde des "agneaux", ceux qui n'ont pas de pouvoirs magiques. À peine notre protagoniste prend-elle conscience de ses pouvoirs qu'elle se retrouve déjà investie d'une mission dangereuse, à la poursuite d'un sorcier qui laisse derrière lui des cadavres atrocement mutilés. Elle doit également bien garder en tête que les jujus sont dangereux, et peuvent aussi bien causer le mal aux autres qu'à ceux qui les utilisent.
Vous l'aurez compris, c'est une oeuvre de fantaisie qui s'adresse quand même plutôt aux jeunes adultes et plus, notamment parce que la violence est très présente dans l'ensemble de l'oeuvre, tant sur son côté ordinaire que sur le plan de la criminalité.
En monde magique qui se respecte, Akata Witch arbore également un bestiaire fantastique varié, dont il faut se méfier comme on l'apprivoise ; et tout une culture solidement ancrée, dans laquelle la connaissance est le noyau. Le "peuple léopard" pratique le commerce avec une monnaie appelée "chittim", que les gens gagnent en apprenant de nouvelles choses. L'argent n'est donc pas une fin, à moins que vous ne soyez corrompu. L'investissement dans l'apprentissage est la source de toutes les récompenses.
Les amateurs de sports apprécieront également un passage du livre consacré entièrement à un match de foot, lors d'un événement décrit comme une sorte de CAN des sorciers. C'est d'ailleurs à l'occasion de ce festival que le roman met à l'honneur la diversité de l'Afrique, à travers ses peuples, ses langages, ses usages.
C'est un vrai bol d'air frais pour qui veut se mettre un peu en rupture avec le monde occidental ; une belle oeuvre féministe et initiatique ; dans laquelle on voit une protagoniste se découvrir, et s'affirmer. Il me tarde de lire la suite.