Vous allez dire qu'en ce moment je suis caractériel, mais je le serais sûrement moins si les gens étaient un peu moins maldisants et méprisants avec des individus que je respecte ! (avouez qu'avec une intro pareil, la partie vile assoiffée de carnage de votre inconscient est toute ouïe)
Avec la sortie de son nouvel album, très bon au demeurant, on voit fleurir des commentaires qui chantent les louanges du nouveau Korn par rapport à une certaine période que certains décrivent comme "embarrassante", "égarée", "pas inspirée", voire moult termes nettement plus colorés et odorants que je pense ne pas avoir besoin de relayer.
Et pour le coup, je suis d'accord, le dernier album de Korn, et tous ceux qui l'ont précédé depuis le retour de Brian Head Welch sont un pur bonheur de musique, mais il n'y a pas que ceux là ! Malgré tout, l'opprobre est telle que je me suis dis qu'il fallait que je ressorte, et mette à jour une très vieille chroniques datant de mes jeunes années de chroniqueur. Et puisqu'il faut mettre les mains dans le camboui : NON, The Path of Totality de Korn n'est pas un album de merde ! Peut-être qu'il ne vous plaît pas, peut-être qu'il ne correspond pas à vos goûts, peut-être même qu'il déclenche chez vous des réactions très épidermiques, violentes et meurtrières mêmes mais non, cet album n'est pas "embarrassant" ou "honteux". Il est même presque logique.
Pour rappel sorti en 2011, il s'agit à ce jour du seul album Dubstep-Metal de Korn. Rien que ça, ça pique les oreilles de beaucoup de monde. L'album se fait descendre par moult média, de Spirit of Metal à la BBC.
Déjà , il faut commencer par dire que c'est peut-être générationnel, mais la dubstep ne me déplaît vraiment pas. Impossible de mesure l'impact que ça aura dans l'avenir mais l'élan dont à bénéficié la Dubstep n'est pas si diamétralement différent de l'enthousiasme que suscite la Synthwave en ce moment. Quand bien même ce ne serait qu'une passade, même après des années, des morceaux de Skrillex, Kill the Noise et Pendulum me paraissent toujours autant légitimes. Il y a des qualités mélodiques, des ambiances bien foutu, une identité stylistique qui tient la route, des grooves qui fonctionnent toujours, et comme avec la Synthwave, on reconnait parfois des signes que les beatmakers avaient un pied dans le Metal.
Pour revenir à Korn, la première chose à souligner, c'est que tous les guests sur Path of Totality sont des invités de marque côté Dubstep. Que ce soit pour Noisia, 12th Planet, Excision, Feed Me, Downlink, Kill the Noise et Skrillex que j'ai déjà cité ; ce sont des artistes qui ont fait leurs preuves. À ce stade ça relève quasiment de l'échange de bons procédés.
Ceci dit, quand Korn expliquait à l'époque que cette musique "nouvelle" leur paraissait vraiment puissante et violente, je comprends totalement, notamment en prenant du recul sur le feeling du groupe. La Dubstep, c'est à la fois une musique groovie, plutôt mid-tempo, et avec des passages "bruyants" qui montent et qui descendent, sans laisser de côté des moments mélodiques et atmosphérique. En y réfléchissant bien c'est quelque chose qui leur correspond bien totalement et dont on pouvait presque sentir l'arrivée dans certains plus vieux titres.
Prenez Children of the Korn sur l'album "Follow the Leader". Un album globalement salué par l'intelligencia prescriptiviste qui décrète ce qu'est le vrai Korn ; et un titre également plutôt chéri par les fans. Mettons qu'on oublie la percu synthétique et les parties rappées de ce morceau, écoutez bien la guitare lead sur le couplet d'Ice Cube. C'est distordu, avec de la wah, peut-être un peu de chorus, ça frôle gentiment le feedback... Je regrette mais on n'est pas tellement loin des rewinds et du LFO qu'on va retrouver dans les parties dubstep.
Vous voulez un truc encore plus lointain et intouchable ? "Blind" de Korn. Premier album, premier titre. Entre la guitare chargée en wah juste avant le "I can't see", et les zigouigouis de la toute fin du morceau (surtout l'espèce de glissé), on avait déjà des facteurs annonciateurs qui laissent penser que Korn avec un son Dubstep, c'est non seulement compatible, mais c'est même prévisible. Et peu ou proue, que ça vous plaise ou non, au-delà de la question de goût, c'est inspiré, c'est bien articulé !
Maintenant qu'on a fait le tour de la question de la légitimité, passons à l'écoute en elle-même.
Une chose que j'aime énormément chez Korn, c'est la force émotionnelle des cleans de Jonathan Davies. C'est par exemple ce qui rend un album comme Untouchables aussi savoureux, et qui fait le sel de titres comme "Kiss" et "Evolution" sur l'album sans titre (que beaucoup de gens détestent aussi d'ailleurs. Vous me direz, c'est le jour !)
Sur Path of Totality, ces cleans ont vraiment une place centrale, et en ça aussi, l'esprit originel de Korn est préservé. Je suis vraiment conquis par "Narcissistic Cannibal" pour ça. Du début à la fin ça balance des mélodies superbes, très bien rendues en studio avec une vraie profondeur. Davies a su tirer le partie parfait du fond instrumental Dubstep pour offrir un mélange qui fait penser à du Marilyn Manson ; comme le prouvent les morceaux "Illuminatis" et "Sanctuary". Rien que le premier titre de l'album, "Chaos Lives in Everything", j'ai l'impression que je l'aime plus à chaque fois que je l'écoute. Le refrain mélodie de "Get Up" est une pépite que se hurle dans les stades.
Les guitares aussi ce marient bien avec le désordre provoqué par la Dubstep, à la fois sur le plan du groove, avec par exemple le jeu de question-réponse de « Get Up ! » très puissant, mais aussi sur le plan mélodique sur « Way Too Far » où les guitares viennent bâtir l'ambiance.
Après avoir cherché quelques performances lives des morceaux de l'album ; le groupe semble très bien se les être appropriés sur scène : les chansons de Path of Totality passent très bien sur scène, notamment parce que Munky (et Head après son retour), a vraiment apprivoisé les morceaux pour mettre les "bruits" de guitares qui fait son style. Le musicien "classique" ne s'est pas effacé derrière les beatmakers, il fait front avec eux. C'est d'ailleurs avec le live qu'on constate que l'album n'a pas laissé Ray Luzier sur le carreau : le percuteux s'éclate derrière ses fûts !
C'est aussi un album qui d'une certaine manière à Korn de changer son univers visuel, qui est passé du squat maronnasse à quelque chose de plus électrique, à base de néon ; plus science-fiction quelque part. C'est un détail qu'ils ont conservé jusque dans leur dernière album. Réfléchissez. Si vous regardez l'univers visuel de "Requiem" et "The Nothing", on est nettement plus proche de l'ambiance "Path of Totality" que de tout les albums qu'a sorti Korn avant ("The Serenity of Suffering" en l'occurrence illustre un certain retour aux racines). Peut-être cela n'a-t-il pas d'impact sur la musique, vous avez raison, mais ce point est loin d'être anecdotique dans le sens où, sur plusieurs tableaux, il a permit au groupe de se réinventer.
Ainsi même si The Path of Totality n'est pas mon album favori de Korn, c'est un album pour lequel j'ai énormément d'affection, et qui pour moi ne mérite pas le centième de l'immondice qu'on lui a jeté au visage. C'est un album cohérent, bien bati, avec des morceaux cools qu'on aurait pu retrouver dans des blockbusters de science-fiction horrifiques (« Bleeding Out »), et ça aurait été du meilleur effet. Certains morceaux depuis leur sortie n'ont jamais quitté mes playlists. Et je le répète, vous êtes tout à fait en droit de ne pas l'aimer, vous avez le droit absolu de le détester. Mais n'oubliez pas qu'il y a une différence fondamentale entre le "je n'aime pas" et "c'est d'la merde".