Avant-propos : En début d'année, je vous avais raconté tout mon désarroi alors que j'avais découvert trop tard un album qui allait être mon album préféré de l'année 2020. "Die Lederpredigt" de Folterkammer a donc échappé aux TOPs, mais je me rattrape aujourd'hui avec une interview de la personne qui donne sa voix au projet : Andromeda Anarchia. Au menu du jour, une discussion riche et généreuse sur la musique, le mal, la folie et les femmes. Merci mille fois à Andromeda pour son temps, et sa bonne humeur. Merci aussi à Shannon de Perfect World Productions pour avoir rendu cette discussion possible. (Les morceaux qui apparaissent dans cette interview ont été choisi par l'artiste pour servir de bande-originale)
EN TANT QU'ARTISTE PROFESSIONNEL, COMMENT GàˆRES-TU LA SITUATION ?
C'est une période folle, c'est un défi à bien des égards. Physiquement, car nous ne pouvons plus bouger comme avant. Sur le plan émotionnel, parce que nous ne pouvons pas voir nos familles. Professionnellement, parce que nous ne pouvons pas travailler. àŠtre sur scène me manque. Les répétitions me manquent. Travailler, être ensemble, sans s'inquiéter, me manque. Je me concentre davantage sur l'aspect écriture de chansons, et sur la composition. Il y a toujours des choses à faire. Je ne fais pas de la musique en fonction des circonstances. Mais c'est difficile de trouver la motivation, de faire avancer les choses et de se dépasser. J'ai eu la chance d'avoir une session d'enregistrement à Paris, avec de grands musiciens, pour un projet sur lequel je voulais travailler pendant la pandémie ; et bien sûr, nous travaillons aussi sur le prochain album de Folterkammer.
CE PROJET EST QUE TU MENTIONNES EST UN NOUVEAU PROJET ?
Oui, c'est totalement différent.
POUR NOUS CONCENTRER D'ABORD SUR FOLTERKAMMER, COMMENT LE PROJET A-T-IL à‰Tà‰ CRà‰à‰ ?
C'est une longue histoire. J'ai rencontré Zach d'Imperial Triumphant grâce à des amis communs. J'ai déménagé à New York, et il m'a montré tous les bons clubs. On parlait de musique, et on se promenait dans le centre de Manhattan en chantant des airs de Rammstein, des airs de Nina Hagen. C'est ainsi que nous avons découvert que nous aimions la même musique. Nous aimons aussi tous les deux l'opéra allemand. Je lui ai dit que j'avais commencé la musique par une formation classique. Je suis ensuite passée au Jazz et au Metal, mais j'ai commencé par le chant classique. Il m'a dit "Wow, tu dois chanter sur notre album !", qui, à l'époque, était " Vile Luxury ". J'ai également chanté sur "Alphaville" plus tard. Et nous avons passé un si bon moment que nous avons pensé que nous devrions avoir notre propre projet, mélangeant l'opéra et le Black Metal. J'ai dit que nous devions faire en sorte de Nina Hagen version Black Metal ; je voulais quelque chose de fou et de créatif. C'était aussi un défi, même du point de vue de l'étendue vocale, car il y a une grande différence entre le chant d'opéra et le chant guttural. Mais c'était agréable de trouver une personne aussi folle que moi en musique.
Puis Zach m'a dit qu'il avait un ami, Darren, notre bassiste, et il m'a dit : "Ce type écrit des morceaux incroyables de Black Metal influencés par la musique baroque ; est-ce que tu aimerais essayer, avec des paroles en allemand ?". J'ai accepté. Et puis Brendan s'est occupé de la batterie. Zach, Darren et Brendan se connaissaient parce qu'ils avaient tous étudié la musique ensemble en Californie. Zach, par exemple, est un compositeur de formation classique. Ils Tout le monde est très créatifs et nous aimons toutes sortes de musique.
Ils m'ont envoyé les chansons, j'ai écrit les paroles, et nous sommes allés en studio pour enregistrer les parties vocales. Zach a ajouté quelques éléments ici et là , et c'est tout. J'ai été très surprise de voir à quel point il était facile de mélanger les deux types de chant, et c'était tellement amusant. Nous savions que nous devions publier ce disque. Nous avons adoré travailler ensemble dessus.
C'EST FOU COMME VOUS AVEZ TOUS DES APPROCHES PLUTà”T CLASSIQUES, ET COMMENT VOUS AVEZ TOUS FINI PAR FAIRE DU BLACK METAL !
Oui. Et nous aimons aussi tous le Black Metal. C'est un style très spécifique dans le Metal. J'aime beaucoup de styles différents, mais j'aime la façon dont nos inspirations se sont rencontrées. L'opéra est très propre, très distingué et techniquement exigeant. Imaginez le mélange avec Darren qui est très à fond dans Bach, avec une approche baroque et beaucoup de contrepoint, Zach qui a son propre univers de musique classique, car adorant Wagner par exemple ; et puis Brendan qui est un vrai batteur de Black Metal. J'ai adoré la façon dont l'opéra, épuré, s'est mélangé au Black Metal, qui est une musique si rebelle, parfois un peu négligée dans le jeu, mais surtout anti-système, provocante. C'est amusant, et ça reste un défi, de trouver le bon équilibre.
à‰TANT ORIGINAIRE DE SUISSE, DIRAIS-TU QUE LES à‰TATS-UNIS à‰TAIENT UNE SORTE DE TERRE D'OPPORTUNITà‰S POUR TOI ?
Probablement, mais la France aussi. En France, il y a des musiciens incroyables, dans le Jazz, le Metal, la musique classique... Les musiciens sont très bien formés, et il y a un véritable esprit artistique. A New York, c'est plus fou parce que c'est plus international, et ils sont vraiment bons dans beaucoup de domaines. Par exemple, si vous prenez Kenny, le batteur d'Imperial Triumphant, il est aussi balèze en musique Metal qu'en Jazz, ou quel que soit le style. On trouve ces gens-là à New York.
J'ai toujours aimé utiliser ma voix, pas seulement pour qu'elle soit belle. Normalement, en tant que femme et chanteuse, on doit toujours être belle et avoir un beau son. Je voulais faire des choses folles. À New York, c'est difficile d'être fou : ont déjà tout vu. En Suisse, j'étais probablement trop extrême. À New York, j'étais une parmi tant d'autres, et j'ai adoré ça. J'ai rencontré des gens qui écoutaient beaucoup de choses comme moi.
Et pour être honnête, j'ai trouvé cela à Paris aussi. Les musiciens sont très ouverts d'esprit, compétents aussi.
EN TANT QUE CHANTEUSE PRINCIPALE DANS TES PROJETS, AS-TU TON MOT À DIRE SUR LES PARTIES INSTRUMENTALES ?
J'ai toujours le droit de dire quelque chose. Nous nous parlons tous les uns aux autres. Maintenant avec le COVID, comme je suis coincée en Europe et eux en Amérique, c'est plus difficile d'être interactif, mais nous y travaillons. Je joue du piano et de la basse, donc je peux en parler, sans aucun doute. D'un autre côté, Zach a son mot à dire sur les parties vocales car il a des idées très claires sur ce qu'il recherche.
Pour le premier album, les parties instrumentales n'étaient pas vraiment mon rayon, j'essayais plutôt de travailler sur le matériel que j'avais déjà , et comme j'ai fait toutes les parties vocales, il y avait déjà beaucoup à faire. J'ai parfois dû faire des parties chorales par exemple, tout seul. Nous verrons ce que cela donnera dans le prochain album.
SUR LE PREMIER ALBUM, TU SEMBLES TRAITER BEAUCOUP DE SUJETS RELIGIEUX, ET DES ABUS DE LA FOI. PEUX-TU EXPLIQUER LES THàˆMES DES CHANSONS ?
Il y a deux choses : l'une est l'histoire du Black Metal, en quelque sorte. L'idée de se rebeller contre la société et la religion avec le satanisme, par exemple. Je ne suis pas dans la religion ou le satanisme, pour moi c'est la même chose. Je suis en désaccord avec beaucoup de dogmes, et encore plus en tant que femme. Je voulais faire une déclaration dans la tradition du Black Metal contre les dogmes, le chauvinisme et le patriarcat. Ceci dit, je ne voulais pas utiliser le cliché du satanisme, car je pense que le Black Metal peut être bien plus que cela.
J'ai donc repris certains des aspects symboliques de la religion, principalement le christianisme mais pas seulement, et j'ai créé une déesse féminine très maléfique. C'est la deuxième chose. Normalement, on associe le mal à un concept masculin, et je me suis dit "Les femmes aussi peuvent être vraiment mauvaises et maléfiques. Je suis une femme, et dans mon groupe, je vais être cette force. Pour provoquer avec elle." Je voulais créer un personnage qui aime torturer tout le monde, et à qui tout le monde serait soumis. Elle peut faire n'importe quoi et ils suivront. Elle en tire un avantage total.
Si vous regardez l'histoire, vous voyez comment, même aujourd'hui, les gens ont été tourmentés par la religion. Je voulais utiliser cela, avec un point de vue féminin. On peut voir à quel point il est dangereux de suivre aveuglément une personne ou une institution qui peut abuser de son pouvoir. Je pense qu'il est important que nous soyons en phase avec nous-mêmes, même d'un point de vue social, mais nous ne devons pas pour autant suivre sans réfléchir.
Avec Folterkammer, je réfléchissais au mot lui-même, qui signifie "Chambre de torture", et je ne voulais pas seulement parler des outils, des objets que nous utilisons pour torturer les gens. Pour moi, il s'agit plutôt de l'idée que l'on met notre esprit dans une cage avec la religion. Par exemple, je pense aux catholiques qui croient qu'ils sont nés avec un péché et qu'ils doivent expier. C'est l'idée : c'est une question mentale. Beaucoup de gens se tourmentent avec leur propre cerveau, et c'est ça, la salle de torture. Je voulais dépeindre ce genre de mal.
CE QUE JE TROUVE ORIGINAL, C'EST QUE D'HABITUDE NOUS NOUS REPRà‰SENTONS LES PERSONNAGES Fà‰MININS FORTS COMME DES PROTAGONISTES, DES Hà‰ROàNES, ET TU AS ABORDà‰ L'IDà‰E DE PUISSANCE À TRAVERS UN ANTAGONISTE, À TRAVERS LE MAL.
Oui. C'est rare, surtout avec le concept de déesse. Avec le christianisme, nous avons cette image de la Vierge Marie, qui est toujours la femme bonne. Je ne voulais pas me lancer dans ce genre de fiction : on voit beaucoup de gens mauvais dans notre monde, et beaucoup d'entre eux sont des femmes aussi. Il n'y a pas que des hommes, et les femmes ne peuvent pas toujours être dans la catégorie des bonnes, des gentilles, des mères. Nous devons regarder le monde tel qu'il est. Nous avons de vrais monstres et démons juste là .
Comme tu me vois, je suis une personne très joyeuse, mais l'art est quelque chose de différent. C'est un espace différent, et on peut y faire beaucoup de choses diverses, mais je ne voulais pas d'un tout nouvel univers pour ce projet. Je voulais écrire quelque chose de diabolique et véritable, alors j'ai lu des livres, regardé des documentaires sur des femmes qui ont fait des choses malfaisantes. Et puis j'ai utilisé cela comme source pour écrire les paroles. Et ce n'était pas naturel pour moi, ça me faisait bizarre. Quand je l'ai interprété, c'était plus comme jouer dans une pièce de théâtre. J'avais besoin d'avoir l'émotion pour le chanter, alors je suis entré dans le rôle. Le chant m'a aidé, et l'humour aussi, car la déesse a son propre humour. J'écris beaucoup sur son plaisir, comment elle se moque, comment elle provoque. J'ai vraiment essayé de construire sa personnalité, en pensant "Quel genre de sons a-t-elle ?", "Quels mots utilise-t-elle ?".
J'écris habituellement en anglais, donc écrire quelque chose comme ça en allemand était aussi une nouvelle chose pour moi, même si c'est ma langue maternelle. Et je pense que Zach avait raison, avec l'allemand, ça marche très bien.
QUELLES DIFFà‰RENCES PERCEVRAIS-TU ENTRE L'à‰CRITURE DE CHANSONS EN ANGLAIS ET EN ALLEMAND ?
La musique que j'écoutais était presque toujours de la musique anglaise. Je suppose que c'est comme ça que je me connecte avec elle. Grâce à MTV et à tous ces artistes, j'ai appris l'anglais dès mon plus jeune âge. C'est rapidement devenu ma deuxième langue. Lorsque je suis entrée dans le monde de la musique, c'était automatiquement en anglais. Pour moi, ça a toujours été l'anglais. J'écrivais aussi en suisse allemand et en allemand pour les études, mais c'était drôle, c'était plutôt du cabaret. Plus sérieusement, je n'y ai jamais vraiment pensé parce que personne ne me le demandait. Et puis je suis arrivée à New York, et tout le monde m'a dit "OH ! Tu parles allemand, tu peux chanter en allemand ?" et j'ai dit "Bien sûr !". Comme je l'ai dit plus tôt, Zach est un grand fan d'opéra allemand, et c'était donc sa demande. Pour être honnête, je pense que ce n'était pas une mauvaise idée, car nous sommes un groupe très américain. Je suis suisse, mais je vis aussi à Brooklyn. Et avoir un groupe américain qui chante en allemand, avec quelqu'un qui parle vraiment allemand, c'est inhabituel.
POUR Dà‰VELOPPER UN PEU LE PERSONNAGE DE LA Dà‰ESSE, DIRAIS-TU QUE LES VARIATIONS DANS TA VOIX Dà‰PEIGNENT DIFFà‰RENTS ASPECTS DE SA PERSONNALITà‰ ?
Je pense qu'il y a plusieurs choses : ce qu'elle dit à quelqu'un, ce qu'elle pense, et enfin le dialogue qu'elle a avec elle-même. Parfois, je chante aussi avec une voix enfantine, innocente, ce qui signifie généralement que quelqu'un d'autre parle. Mais quand c'est elle, ça dépend vraiment du passage. Quand elle veut montrer sa grandeur, elle va mélanger : elle va montrer sa force et sa puissance avec le chant lyrique, et ensuite détruire, par le cri. Il y a un passage où j'ai pris un célèbre poème allemand de l'époque baroque. Il parle de la façon dont on trouve l'amour : on prend une fleur, et si on trouve l'amour, elle devient rouge. J'ai repris cette idée, avec la déesse qui prend une âme pure, innocente, et la transforme en sang. C'est ce que je fais avec la voix. Je chante d'une manière grâce à laquelle vous savez qu'elle est perverse. Elle veut séduire, et montrer sa force, elle veut être respectée ; mais elle est si mauvaise que ça transparaît. J'utilise différents types de cris, pour donner toute la mesure de son caractère surnaturel. La voix d'opéra est plus proche de nous et la rattache à notre monde, mais avec les cris, elle est plus que cela. Elle est dans votre tête avec ça. Je voulais aussi qu'elle donne l'impression d'avoir elle-même plusieurs voix dans la tête, et qu'elle utilise ces voix pour confondre les gens. C'est aussi ce que les gens attendent d'elle, parce qu'ils aiment être torturés, et plus ils aiment ça, plus elle devient forte. C'est un peu comme la Reine de la Nuit dans "La Flûte Enchantée" de Mozart. Elle a cette sorte de force froide ; et je pense que les cris le montrent bien. En fait, selon ce qu'elle dit, cela appelle naturellement des cris ou un chant d'opéra.
TOUJOURS À PROPOS DES PERSONNAGES, TU AS UN NOM DE SCàˆNE, ET JE ME DEMANDAIS : EN QUOI CE NOM DE SCàˆNE TE REPRà‰SENTE-T-IL ?
Je pense que cela m'aide à garder ma vie privée, pour le bien de ma santé mentale. Et puis, personnellement, je suis très portée sur les sciences et l'astronomie. J'ai toujours eu l'impression de venir d'une autre planète, et j'ai toujours aimé les galaxies spirales.
J'ai travaillé avec de nombreux noms de scène différents, mais à un moment de ma vie, j'ai voulu un espace pour travailler, et j'ai toujours pensé qu'Andromède était comme une boussole. Je savais que c'était là où je devais être, la direction, pour sortir de moi-même à travers l'art. Et puis, pour Anarchia, j'aime simplement l'idée de ne pas avoir de maître, de dieu, de ne pas penser à travers la hiérarchie. J'aime créer avec un esprit libre. Dans la réalité, nous devons négocier, ce qui est normal, il est bon de faire des compromis car nous ne pouvons pas vivre dans l'anarchie. Mais dans la musique, c'est un tout autre monde. Là , je peux vivre comme je l'entends.
Je voulais utiliser ces deux mots pour souligner ces deux sources d'inspiration. J'ai choisi ce nom pour me rappeler ce que je voulais faire de ma vie dans la musique.
TU AS DIT QUE TU TRAVAILLAIS SUR LE NOUVEL ALBUM DE FOLTERKAMMER, VAS-TU CONTINUER À Dà‰VELOPPER LE PERSONNAGE DE LA Dà‰ESSE ?
Nous allons continuer avec un personnage féminin fort, c'est sûr. Nous allons repousser les limites de ce que nous avons commencé, donc ça va continuer avec un modèle de femme forte. Quant à savoir comment cela va évoluer, même moi je serai surprise : je ne sais pas encore. Je ne peux pas en dire beaucoup car je dois d'abord y réfléchir moi-même. (rire)
PRà‰VOIS-TU D'à‰CRIRE UNE SUITE À l'EP DE DARK MATTERS ?
Oui. C'est un projet plus important, que je me suis fixé. C'est mon projet le plus personnel. Quand j'ai le temps d'y travailler, je le fais. Il n'y a pas de précipitation, parce que je veux prendre mon temps pour cela. J'ai vingt-sept chansons, et j'en ai enregistré cinq ; donc tu vois, il y en a beaucoup. Même quand j'aurai quatre-vingts ans, je me tiendrai occupée. Dark Matters est un monde très personnel, qui peut encore se développer. C'est quelque chose qui traite de mes troubles bipolaires. Quand j'ai un épisode ou quand je suis plus confronté à ce trouble, c'est là que j'écris des chansons. Et quand j'écris dans cet état d'esprit, c'est intégré à Dark Matters. J'avais besoin que Dark Matters soit mon refuge. Avec les troubles bipolaires, vous avez des moments très hauts, et d'autres très bas. Vous devez trouver un équilibre et c'est très difficile. Je me suis dit : "Ok, si je ressens ceci ou cela, je m'enferme dans la salle de musique et je fais de la musique." Puis j'ai trouvé des musiciens qui étaient intéressés par ce projet, qui m'ont aidé à enregistrer le premier EP. Je l'aime beaucoup. à‡a n'a rien à voir avec le Black Metal, même s'il y a des parties Metal. C'est plutôt du rock progressif avec une touche de jazz. C'est très ouvert, comme le trouble lui-même. Il y a beaucoup d'émotions, ça vous emmène partout ; et je pense que c'est bon pour moi aussi de mettre ça en musique. C'est parfois très difficile, mais c'est très beau de transformer cela en une forme de musique et d'entrer en contact avec les gens par ce biais. Ce n'est pas vraiment une thérapie, mais c'est un soulagement pour le mental et l'âme. La musique est toujours là . La musique est tout pour moi. Et le fait est que c'est génial d'écouter de la musique, d'écrire de la musique, de la pratiquer de bien des façons, mais la vraie beauté de la musique, c'est quand on la partage avec des gens. Rien ne peut remplacer ce sentiment d'être ensemble dans la musique.
IMAGINONS QUE LES JOURS S'AMà‰LIORENT, ENVISAGEZ-VOUS DE TOURNER AVEC FOLTERKAMMER ?
Nous voulons vraiment monter sur scène avec ce projet. Rien que par le chant, je pense que cette musique est faite pour la scène, même si ça va être un vrai challenge. J'ai eu deux après-midis pour enregistrer toutes les parties vocales, ce qui n'est pas beaucoup de temps. C'était amusant, tout a fonctionné spontanément. Mais pour aller sur une scène, et tout faire en une nuit, cela pourrait être un très grand défi, et beaucoup de plaisir. Je serai fatiguée après cette tournée. Mais c'est pour cela que nous vivons : pour être sur une scène. Surtout pour une musique qui est si théâtrale. Je suis impatiente de voir comment le public va réagir, d'interagir avec lui, d'être inspirée par lui. Il me tarde aussi d'être sur scène avec Zach, Darren, et Brendan. Mon Dieu, comme j'ai hâte ! (rire)
AVANT D'EN ARRIVER LÀ, QU'EST-CE QUI SERA SUR TA LISTE DE CHOSES À FAIRE DANS LES MOIS À VENIR ?
Ce sera le nouveau contenu de Folterkammer, et cet autre projet que j'ai commencé à enregistrer à Paris. J'enseigne aussi le chant, j'ai mes élèves et je dois m'occuper également d'eux.
Pour l'instant, il est impossible de planifier des tournées. Les bookers n'arrêtent pas de reprogrammer. Tout dépend de la façon dont nous serons vaccinés et de la façon dont le virus va muter. Nous devons tous attendre.
J'ai participé à une tournée l'automne dernier, avant que le virus ne recommence à sévir de plus belle. à‡a a marché mais ce n'était pas pareil, les gens étaient tellement séparés. Surtout pour le Metal. Ce que je jouais, c'était du Metal-Jazz, et cette musique a tellement d'énergie, une énergie que l'on ne sentait plus revenir vers soi.
C'est une situation très difficile, et nous devons faire de notre mieux, nous respecter les uns les autres. Même si nous avons de la chance et que nous ne l'attrapons pas, nous devons respecter ceux qui n'ont pas autant de chance. Nous ne pouvons pas être antisociaux. J'aime la volonté des gens à trouver une solution très rapidement, et je pense que nous devons les aider, en étant patients et respectueux.
Et puis, il y a encore beaucoup de musique déjà enregistrée, et je pense que c'est bien d'avoir le temps d'écouter de la musique. Maintenant, avec le Covid, on peut vraiment s'asseoir, et écouter un tas de disques, en profitant de leur dynamique. Nous pouvons nous asseoir et profiter de ce que nous avons.
QU'EST-CE QUI TOURNE DANS TES à‰COUTEURS EN CE MOMENT ?
J'écoute de tout ! Si j'aime ça, j'écoute à peu près tout. En ce moment, j'écoute beaucoup le dernier album de Krallice, il est vraiment génial. J'écoute aussi beaucoup Elysian Fields. C'est une autre ambiance, mais je l'ai toujours aimée. J'écoute aussi énormément d'opéra en ce moment pour trouver l'inspiration. J'écoute pas mal de Verdi ces temps-ci ; des interprétations anciennes comme celle de Maria Callas, et des plus récentes aussi. J'aime aussi particulièrement Cecil Taylor, le pianiste de jazz, j'adore sa façon de jouer. Il y en a tellement... J'adore ZZ Top et AC/DC... Je suis aussi une grande fan de Meshuggah. J'aime aussi Judas Priest. À vrai dire, Rob Halford est une telle source d'inspiration quand on fait du Metal. Tout ce qu'il a fait était révolutionnaire et nous a aidés à trouver de nouvelles façons de jouer.
Je pense aussi que j'aime tout ce qui a un bon son de basse. Je pense que la basse est très importante, c'est aussi pour ça que j'aime le rap et le reggae. Tout est important bien sûr, mais je pense que j'ai tendance à aimer les choses qui sont soit rythmiquement complexes, soit avec un bon son de basse qui groove à mort.
TU AS MàŠME UNE CLà‰ DE FA TATOUà‰E SUR TON DOIGT !
En effet ! J'en ai même une autre. J'ai une sÅ“ur qui est tatoueuse, et nous avons travaillé dessus dans un esprit de complémentarité. J'ai une voix naturellement haute, donc ça me complète. Nous voulons toujours ce que nous n'avons pas, donc la basse est un grand sujet pour moi. Je pense qu'en remontant dans le temps, j'aurais pu me plonger dans l'apprentissage de la basse, si je ne chantais pas. Maintenant, je l'utilise juste pour écrire de la musique, je ne l'utilise pas sur scène, mais j'aurais pu l'étudier. Cet instrument fait mieux sonner la musique. J'adore Cliff Burton, et j'aime ce qu'il a fait de son instrument dans la musique, John Paul Jones aussi.
Y A-T-IL QUELQUE CHOSE QUE TU N'AS JAMAIS ESSAYà‰ ET QUE TU RàŠVERAIS DE FAIRE ?
Je pense qu'il y a probablement des musiciens avec lesquels j'aimerais travailler. Nous avons tous nos héros. J'adorerais au moins rencontrer Rob Halford, pour parler avec lui du chant. Et puis chanter avec lui, ce serait fou. J'aurais aussi aimé rencontrer Lemmy Kilmister, bien que ce ne soit pas possible.
Mais pour être honnête, je suis extrêmement heureuse de travailler autant dans la musique, notamment avec Imperial Triumphant. Ces trois gars font partie de mes musiciens préférés. Travailler avec Zach et Darren est génial. Travailler avec Laurent David aussi est vraiment formidable. Je suis si reconnaissante pour cela.
Il y a tellement de bons musiciens, je ne saurais pas par où commencer.
Je pense, de manière réaliste, que le rêve à réaliser serait d'abord de monter sur scène avec Folterkammer. C'est quelque chose que j'aimerais vraiment faire, et j'aimerais voir jusqu'où ça va aller. Même en tant que chanteuse, j'aimerais voir ce que je peux faire de plus. J'adore trouver de nouvelles solutions aux problèmes que j'ai moi-même créés ! (rires) Comme je mélange deux mondes, je veux faire mes devoirs et voir jusqu'où il est possible de pousser.
SI TU DEVAIS CHOISIR 3 OU 4 CHANSONS POUR àŠTRE LA BANDE SONORE DE CETTE INTERVIEW, QUE CHOISIRAIS-TU ?
Je pense que je me référerais à ce qui a été dit. Je dirais d'abord "Shooting Stars" d'Elysian Fields. Je choisirais "Das Gebet" de Folterkammer, à cause des variations vocales. Ensuite, pour choisir du répertoire classique aussi, il y a un album fantastique qui est sorti avec le chanteur Andre Schuen, un chanteur baryton autrichien. Il a interprété des airs de Schubert avec un pianiste. Il a interprété "Die Schà¶ne Mullerin", et je pense au très beau titre "Der Neugierige". Ce titre signifie "Le curieux", et je pense qu'il est important d'avoir cette curiosité, de se surprendre soi-même. Cela correspond d'ailleurs à l'idée d'une interview puisque tu es curieux de connaître mon point de vue sur ceci ou cela. Et puis le chanteur a une belle voix. Comme nous avons parlé de Rob Halford, je dirais aussi "Painkiller" de Judas Priest. J'aime voir la musique comme un antidouleur ("painkiller" en anglais), donc ça colle parfaitement.