À l'heure de la toute vitesse, de l'instantané, du bref, du concis, de l'immédiat, de l'économie et de la playlist à titre par titre, sortir un album de 43 minutes comportant un seul titre, c'est audacieux.
Et les inquiets qui lisent se premier postulat en craignant l'indigestion doivent se rassurer : Owl Cave s'en sort avec panache sur ce premier album, intitulé "Broken Speech". Certes, c'est une musique avant-gardiste qui fera peut-être fuir les fans d'Ed Sheeran, mais pour les plus ouverts, l'expérience est très puissante.
Le projet se présente sur bandcamp comme du Black Metal acousmatique (attention, c'est l'instant Larousse : expérience d'écoute où la source du son est imperceptible). Comprenez par-là qu'Owl Cave, c'est du son pur, c'est une musique qui n'essayera pas de se parer d'artifices, il s'agira de faire vibrer vos tympans, rien que vos tympans. Au-delà même de sa grande sobriété visuel, c'est aussi un projet qui se fait acousmatique dans sa capacité à brouiller les pistes sur les instruments et samples à l'oeuvre. On n'est pas toujours sûr de bien savoir ce qu'on entend, et la relation entre Metal et musique bruitiste est plus que consommée.
Pour ce qui est de la partie Metal, on reconnait tout à fait le Black Metal dans les phases mid-tempo lancinantes (comme à environ 12:30), ces enchaînement de notes qu'on laisse résonner, ces tremolos picking. D'un autre côté on est aussi saisi par la proximité avec un Doom/Drone très épais, qui rappellera de bons souvenirs aux amateurs de SUNN O))).
C'est globalement une galette très étrange et inquiétante question atmosphère, on évolue dans les méandres les plus sinistres du chromatisme musical, avec ceci dit une intelligence de composition en ce qui concerne l'évolution de l'album : c'est certes costaud question expérimentation, ça n'en est pas moins un album respirable, où on nous laisse des temps pour reprendre nos esprits ; des moments où le spectre est moins chargé. Du reste on ne peut pas nier qu'il y a des passages totalement glorieux dans tout ce mélange. À ce titre, je suis notamment fan du passage angoissant et épique qui démarre à peu près à 33:40.
C'est un album comme on n'en croise vraiment pas tous les jours, très intense, à saluer bien bas pour sa démarche artistique originale et pleine de prise de risque.