Avec mes comparses chroniqueurs, on se fait souvent la réflexion que beaucoup de tournées intéressantes ne passent pas par les Hauts-de-France. Gens du nord que nous sommes, on voit souvent apparaître des tournées Européennes à faire saliver le plus déshydraté des gosiers, qui pourtant ne passent ni à Lille, ni à Douai, ni à Amiens, ni à Arras, pour notre plus grand désarroi.
Si ce préambule me permet de faire passer un message à nos grandes salles du nord, il faut avouer aussi que le travail passionné de certaines associations paye pour nous proposer des choses exceptionnelles, et à ce titre, je me dois de saluer bien bas Cerbère Coryphée qui a fait venir à Lille Jozef Van Wissem.
Pour tout vous dire, à l'annonce de cette date, j'ai bien failli tomber de ma chaise, car il faut que vous compreniez que Van Wissem, luthiste de génie, est responsable de l'une de mes bandes originales de film favorite : "Only Lovers Left Alive" de Jim Jarmusch. Le tout pour un prix tout à fait dérisoire.
Avec l'ami Evil Ted nous nous sommes donc rendus à la Malterie (lieu de retranchement de la date suite aux restrictions COVID) pour aller écouter le Maestro, et la satisfaction ne m'aura pas quitté de toute la prestation.
La chose est rare il faut donc le dire : Jozef Van Wissem est le genre de concert qui s'apprécie d'autant plus les yeux fermés. Sur scène, il ne se passe pas grand chose, le sieur est tout seul, assis à son volumineux instrument, absorbé par sa musique et sa concentration. Aussi, rien de bien pétillant pour nourrir les yeux. Mais c'est de fait en se privant de vue que l'on profite pleinement du son du luth théorbé. On se délecte du son des cordes, du claquement des doigts sur la table, du sifflement des frottements sur le manche, pour donner du relief à la musique du maître.
Le fait est que même quand il n'écrit pas pour le cinéma, la musique de Jozef Van Wissem est très cinématographique : répétitive, bâtie sur des gimmicks qui évoluent très lentement, toute la partie instrumentale de la composition invite à bâtir des narrations, des scènes dans la tête. C'est sûr, les non-initiés pourraient être laissés sur le bord de la route par ce genre de composition, mais pour ceux qui avaient le courage de rester, on n'entendait pas une mouche voler. Le public a vécu dans un moment suspendu, hors du temps. À l'issue d'un set principalement instrumental, on a également eu droit à quelques titres vocaux qui rappellent plus la partie Coldwave de la discographie, ce qui aura fini de rendre l'expérience riche.
C'est en définitive un concert comme on n'en voit pas souvent, assez intense et quelque part courageux dans son minimalisme, pour lequel il convient de remercier chaleureusement les efforts de Cerbère Coryphée qui aura tout fait pour ne pas annuler cette date. On ne le dira jamais assez : soutenez vos associations locales et votre scène !