Angleterre
Doom
Gothicmetal
Nous sommes aujourd’hui habitués, dans le monde culturel et artistique, aux remakes, remasters, redites d'œuvres déjà sorties par le passé et surfant souvent sur la nostalgie d’un public ayant connu les sorties originales.
Ce phénomène, qui semble presque hégémonique dans le monde du cinéma mainstream, n’épargne pas la musique. La pratique du “remaster” existe en effet depuis bien des années. Le “remake”, qui implique un réenregistrement pur et simple de l'album, est plus rare mais semble avoir tendance à devenir plus habituel, j’en prends pour exemple le réenregistrement de Clayman par In Flames (pour un rendu que je qualifierais de mitigé).
L’album qui nous intéresse ici est le réenregistrement du monument Icon par Paradise Lost, sorti initialement en 1993 et ressorti en 2023 pour célébrer les 30 ans. Inutile de présenter Paradise Lost, un groupe culte qui a su se réinventer sur maintenant plus de 3 décennies, traversant les âges et les courants musicaux (Death, Doom, Goth Metal, Rock gothique, New Wave, Indus etc…) sans jamais compromettre cette patte si particulière qui fait qu’on reconnaît immédiatement les natifs d’Halifax.
Pourquoi refaire complètement Icon ? L’album, dont les 3 décennies passées depuis sa production commence à se faire ressentir. En fait, le groupe n’a tout simplement pas les droits de l’album (qui appartient à Music For Nations). Souhaitant célébrer ses 30 ans comme il se doit par une nouvelle sortie physique (notamment en vinyle marbré du plus bel effet), Paradise Lost a décidé de refaire purement et simplement l’album.
Redite sans intérêt ? Nouvelle version édulcorée ? Icon 30 est en tout cas une occasion de se replonger dans une œuvre culte. Une occasion que je saisis avec plaisir.
La première question (voire inquiétude) qu’on pouvait poser sur ce remake porte sur le chant de Nick Holmes, tant sa voix et sa méthode de chant ont pu évoluer au fil des années, abandonnant le chant crié très “Hetfieldien” dans l’esprit pour une technique plus sécure et moins agressive à partir de One Second, et changeant d’approche vocale sur les lives pour les anciens morceaux, mais aussi pour les morceaux plus récents (de la période Faith Divides Us Death Unites Us par exemple). Bonne nouvelle : Nick Holmes nous gratifie ici du chant crié comme à la grande époque. Son timbre n’est plus exactement le même (le bougre a quand même pris 30 ans depuis), mais la magie opère à nouveau. On nous gratifie même de quelques petit growls pour la bonne forme (à la fin du solo de Remembrance, sur Widow…)
Deuxième interrogation : Les compos ne sont-elles pas dépassées après tout ce temps ? Sonneront elles aussi bien avec une production plus moderne ?
La réponse à la première question est non, les compositions ne sont absolument pas dépassées et ont passé l’épreuve du temps avec brio. Pour la seconde, je n’ai pas été surpris de lire ici et là, comme pour chaque album qui fait l’objet d’un remake voire d’un remaster, que l’original sonne mieux, que le remake n’apporte rien voire retire une partie de la saveur de l'oeuvre. Je suis personnellement plutôt de l’avis inverse.
L’album Icon sonne bien, il est ancré dans son époque et bien que l’on puisse ressentir les années passées à l’écoute, on ne peut pas dire qu’il paraisse trop daté. Je pense cependant qu’une production moderne apporte un nouveau souffle à ces compositions et leur rend même justice, car elle prouve que malgré les années passées, l’âge des musiciens et la modernisation de la production : ça marche toujours autant.
La magie opère dès les premières notes d’Embers Fire, l’introduction du chant de Nick Holmes, les premières lignes lead de Mackintosh, le premier refrain… L’élégance, l’efficacité, tout est là. On comprend pourquoi cet album a été le premier tournant de l'immense carrière du groupe, sorti après le très doom Shades of God, Icon marquait la disparition pour de nombreuses années de la voix saturée de Nick Holmes et des dernières sonorités death metal du groupe. Si les lenteurs doom et les mélodies lancinantes de Mackintosh perdurent (Joys of the Emptiness, Colossal Rains, ou encore le chef d'oeuvre qu'est True Belief…), Icon adoptait une structure beaucoup plus calibrée pour le grand public et on perçoit la recherche de l'efficacité dans les riffs, les refrains, les mélodies… En résulte un album dont les influences venant du rock gothique (Sisters of Mercy en tête) s'intègrent parfaitement au Metal lancinant et “doomy” dont venait Paradise Lost, L'avant dernière piste Christendom représente la quintessence de cet esprit, il se trouve par ailleurs qu'elle avait à l'époque été le seul morceau d'Icon à avoir été composée en studio pendant l'enregistrement de l'album.
On ressort enchanté de l'écoute d'Icon 30, parce qu'on comprend à nouveau pourquoi Paradise Lost était à l'époque perçu comme les futurs Metallica?. Parce qu'on comprend l'importance du groupe dans la naissance du Metal Gothique. Le groupe a fait le choix, que certains considèrent facile, de ne pas apporter de nouvelles interprétations à ces morceaux. Je considère qu’il s’agit d’une sage décision, qui honore le monument qu’est Icon. “Moderne” ne veut pas (toujours) dire aseptisé. Quel plaisir d’entendre à nouveau ces tubes que sont Widow et True Belief, de redécouvrir la noirceur doom et gothique de Christendom, Joys of the Emptiness, Colossal Rains…. Tout cela avec autant de clarté dans le son, permettant de profiter au maximum de chaque piste, chaque instrument.
Les vieux de la vieille, les puristes, les gatekeepers peuvent s’égosiller. Je considère qu’il faut se réjouir de voir ce genre de démarche respectueuse de la composition originelle. Je pense que si vous n’avez jamais eu l’occasion d’écouter l’album, que vous êtes habitués à des productions modernes : cet Icon 30 est peut-être une excellente porte d’entrée pour découvrir ce classique et réaliser, inéluctablement, la chance que nous avons de connaître Paradise Lost. “There is no celebration” qu’ils disaient, Paradise Lost contredit ses propres paroles et nous invite à célébrer comme il se doit, un monument du metal gothique, intemporel, iconique…
Le site de Paradise Lost :