Pourquoi "In Der Pà¤lastra" est un Immense Chef d'Oeuvre ?

Je prends la plume, lecteur, et cette fois je me détache de toute temporalité, de toute nécessité de coller à l'actualité. Je me désynchronise du monde le temps du chronique pour toucher l'intemporel, l'éternel.

Au-delà des frontières du Metal, j'aime énormément de choses, mais je dois reconnaître avoir une affection particulière pour la musique Gothique dans son ensemble, à travers ses différents embranchements. Mais parmi eux, il est un projet qui a toujours été à part dans mon esprit, une entité étrange à laquelle je finis toujours, même ces temps-ci, par revenir. Ce projet, c'est Sopor Aeternus & The Ensemble of Shadows, un obscur projet de l'être androgyne et extraterrestre Anna-Varney Cantodea, connu des initiés, dont chaque album s'obtient de haute lutte à grand coup de portefeuille, dans des tirages minuscules.

En ces quelques paragraphes je ne vous dirai rien de Cantodea, de son univers. Rien ou presque. Je vous laisse découvrir le gros oeuvre, et je me contenterai de vous décrire l'immense objet musical qu'est le morceau "In Der Palà¤stra", single de l'album Les Fleurs Du Mal, qui, dans ma maigre et courte vie, doit compter parmi les dix morceaux que j'aime le plus.

Le plus fou étant que je ne m'attarderai même pas sur les paroles, ni sur le clip. À dire vrai, l'un et l'autre sont excellents. Les paroles relèvent d'une très forte poésie, d'une sublime contemplation et d'une mélancolie très profonde. C'est aussi triste que torride. Le clip n'est pas non plus à jeter dans la mesure où c'est un très bel hommage au cinéma expressionniste Allemand.

Mais tout cela n'est rien comparé à la puissance musicale du morceau, fort de ses sept minutes et quelques secondes. Pour tout vous dire, je trouve que la façon dont le morceau évolue structurellement, la manière donc chaque couche se superpose et se retire.

Le début sonne presque comme une berceuse, léger, tintinnabulant. Et puis le morceau démarre vraiment, avec la basse, le clavecin et la voix dramatique de Cantodea. La tension monte tout doucement, car l'ensemble reste assez enjoué, mais l'imaginaire se construit déjà , pour prendre un premier envol avec l'arrivée des cordes.

Au second couplet, les percussions arrivent, les choeurs aussi, et tout doucement, le morceau devient plus torturé, et plus grandiose en même temps.

Ce mouvement de systole/diastole va se poursuivre sur toute la suite du morceau, avec ceci dit une trajectoire allant toujours plus vers le plus épique, et le plus douloureux, toujours mariés. On est constamment baladés entre l'explosion émotionnelle et leur retenue, l'espèce d'équilibre fragile qui sépare les deux. Plus le morceau progresse dans ses thèmes, plus il est sentimentalement saisissant, et plus les instruments se font nombreux, forts.

C'est un morceau intense, à fleur de peau, qui à titre personnel m'a toujours donné envie de le réécouter deux, trois fois d'affilée.

C'est un chef d'oeuvre Gothique par excellence où les symphonies romantiques du 19ème se mettent au service des plaintes vocales de notre temps.