Ces dernières années, avec la démocratisation toujours plus omniprésentes de la musique Metal, on voit de plus en de pays sortir de l'ombre avec des groupes qui revendiquent des identités plus exotiques que le joyeusetés Américano-occidentales auxquelles ont est devenus accoutumés. Tout le monde y va de son petit mélange traditionnel, avec des Wagakki d'un côté, des Orphaned Land de l'autre, de Metal Pré-Colombien par-ci, du Thrash Maori par-là . Pour tout vous dire, ces nouvelles couleurs dans la musique me plaisent énormément ; et c'est avec une certaine excitation que j'ai glissé "Kenz Illusion" de Nawather dans mon lecteur CD.
Après un excellent premier album sorti en 2016, le groupe Tunisien est revenu en février dernier, toujours sous l'aile de nos copains de M&O Music, avec un petit bijou de dix titres. Pour ceux qui ne connaissent pas du tout l'univers de Nawather, disons qu'il s'agit d'un Metal Progressif très mélodique, à deux voix (une voix claire féminine, et un chant guttural masculin), avec la présence permanente d'un instrument méconnu des mélomanes les moins alertes : le qânun. On retrouve aussi pêle-mêle pour accentuer l'atmosphère des violons épiques, des percussions traditionnelles, ainsi qu'un instrument à vent nommé le nay.
Niveau composition c'est aussi intelligent qu'efficace : on se sent comme propulsé dans une aventure épique au milieu du désert, grâce au mélange délicieux des riffs lourds et assassins avec les violons aériens. Le qânun apporte également beaucoup à l'ensemble grâce aux mélodies staccato bien rondes que l'instrument donne. C'est ce même son assez léger et claquant qui fait le charme de certains morceaux de Chthonic par exemple, à cela près que Chthonic utilise un koto.
Il ne fait aucun doute que Kenz Illusion séduira les fans de Death Metal mélodique, notamment ceux qui trouveraient que Myrath n'est pas assez sombre et violent ; d'autant que le son est vraiment excellent, très pro. On est très vite envoûté par la magie de chaque chanson, par ces vocalises plaintives, par les grooves aussi propres que chirurgicaux, par les solos de guitares relativement old school. C'est un bel album enfanté par d'excellents musiciens, avec un bon équilibre entre violence et douceur, mystère et puissance. C'est d'autant plus appréciable que la galette nous tient en haleine pendant presque 50 minutes. C'est donc un beau produit, complet, qui prend son temps pour faire le tour de son panel.
Le tout étant présenté avec un visuel aussi énigmatique qu'agréable, cet albumest une vraie réussite globale, qu'il serait bien dommage de laisser passer sans y prêter attention. C'est le genre de petit bijou inattendu qui vous tient, vous maintient, et plus vous vous débattez, plus vous êtes happé.