"Le vin sait revêtir le plus sordide bouge
D'un luxe miraculeux,
Et fait surgir plus d'un portique fabuleux
Dans l'or de sa vapeur rouge,
Comme un soleil couchant dans un ciel nébuleux."
C'est avec ces mots de Charles Baudelaire, lecteur averti, que je t'invite à la rencontre d'Ethyl, breuvage musical ainsi versé, frais du fût, dans tes oreilles assoiffées. Prend place dans un siège profond, pourvu que l'inconfort ne trouble ta progression dans ces lignes.
Les plus savants explorateurs du Metal Noir savent bien comme le Québec est un vivier d'une engeance pétillante d'inventivité. La violence n'effraie pas cette fange fertile, mais c'est bien dans la profondeur de son spleen qu'elle brille tout à fait. Ceux qui bien me connaissent savent sûrement l'amour que je porte à Sorcier Des Glaces et Monarque pour cette inconsolable peine impie. C'est pour ces mêmes motifs que je suis conquis par Ethyl.
Dans ses vapeurs opiacées, la musique du groupe (composé d'un seul homme), bat au rythme de la solitude. Auditeur volontaire, on se sent comme bercé au gré du vent, pris dans l'errance. Les morceaux sont intenses, grandioses à leur manière, désolés. Les guitares s'emploient à bâtir le décor terne et vieilli qu'arbore la pochette ; tandis que les percussions se font nappes. La force de l'impact n'est pas un enjeux, mais la mise en valeur d'un sentiment lancinant, viscéral et fiévreux, beaucoup plus. Le chant nous semble lointain, dosé avec mesure en écho.
L'on ne peut dire que l'album est linéaire, car les morceaux se distinguent sans difficulté. Après la froideur des deux premiers titres, "Lora" m'aura particulièrement frappé par sa chaleur, son côté presque gothique et lyrique dans les intervalles. Les inconditionnels d'Hyrgal et Nachtmystium trouveront leur compte en ces contrées.
L'album a été équilibré avec force travail pour faire ressortir tant en propreté qu'en intensité les acrimonieuses mélopées. C'est un album qui sonne profondément authentique, sans sonner dilettante, une nuance parfois bien difficile à saisir dans le style. L'expérience de l'écoute est d'une rare grâce.
Ma citation de Baudelaire, cher lecteur lettré, n'était pas anodine, car c'est ce même poème, "Le Poison", que l'on retrouve mis en musique dans l'album. Il ne faut nul doute que l'illustre cerveau du projet connait ses belles lettres. On trouvera aussi "Aude à l'Absinthe" de Musset, et je soupçonne, bien que je n'en ait nulle preuve, que "L'heure Verte" soit une référence à Charles Cros. Quoi qu'il en soit, vous aurez compris qu'il est question de s'embrumer la tête par force boisson et moult fumerolle, pour faire taire son chagrin sept chansons durant.
C'est donc un jeune album qui n'en finit pas d'être beau, que je recommande amicalement à ton attention pour qu'en ces paisibles soirs d'été tu taquines le cruchon dans l'atmosphère qui convient. Je te souhaite, ami d'un instant, la paix des couchers de soleils, le bruissement du vent dans les pampres, et quelques larmes piquantes pour le temps passé. Ton âme en soit nourrie.