Lit Vide : Quoi qu'il arrive, je vous aime

Amérique

Atmosphérique

Drame

Film

USA

Verveneyel

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1 août 2023

" Le court-métrage est l'un des continents du cinéma qui souffre probablement le plus de l'ingratitude du public. Alors même que notre époque favorise la diffusion de contenus plus ou moins expéditifs pour s'adapter au temps de concentration parfois plus réduit de l'audience, les séries n'ont jamais été aussi glorieuses, et, étrangement, pas les courts-métrages. "
Le court-métrage est l'un des continents du cinéma qui souffre probablement le plus de l'ingratitude du public. Alors même que notre époque favorise la diffusion de contenus plus ou moins expéditifs pour s'adapter au temps de concentration parfois plus réduit de l'audience, les séries n'ont jamais été aussi glorieuses, et, étrangement, pas les courts-métrages.
Non pas qu'il n'y ait pas l'embarras du choix pour en voir des bons ; ils ne sont simplement pas mis en avant de la même manière. En vous raclant un peu la soupière, peut-être vous souvenez-vous d'avoir vu des courts-métrages Pixar au cinéma, avant ou après le film principal. Peut-être même vous souvenez vous de cassettes VHS où vous aviez consenti à  laisser tourner au-delà  du générique de fin, pour ainsi découvrir le trésor caché (c'est d'ailleurs, je pense, comme ceci que j'ai eu ma première expérience du court-métrage, sur la cassette de Toy Story). Pixar étant un important producteur de cinéma d'animation, ils ont tout le loisir de mettre en avant leurs programmes courts sur les mêmes séances que leurs longs-métrages ; une chance que peu de productions partagent. Ainsi il est assez rare de voir des courts-métrages relativement indépendants en salle, les grosses boîtes n'acceptant probablement pas qu'on partage l'affiche avec leurs propres péloches.
Bien-sûr, des festivals dédiés aux courts-métrages existent, mais soyons honnêtes, c'est sur le petit écran que beaucoup de choses se jouent pour la discipline. Je me souviens par exemple que Cartoon Network proposait des "Shorties" dans son programme. Mais plus récemment, c'est au niveau des plateformes de VOD que le court-métrage commence à  trouver le public qu'il mérite, notamment avec Netflix et ShadowZ pour ne citer qu'eux.
Ce que je vous propose de découvrir aujourd'hui, c'est une première approche du court-métrage à  travers une petite beauté de cinéma d'animation : "Quoi qu'il arrive, je vous aime", sorti en 2020, récompensé par un Oscar mais toujours assez méconnu des grandes audiences.
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Long d'une douzaine de minutes, le film nous parle d'une famille fragilisée par un deuil particulièrement tragique et violent. Le postulat est relativement simple, mais il est exécuté avec beaucoup de réussite.
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Je commencerai l'analyse par dire que j'aime beaucoup le style graphique du film. Le "coup de crayon" est épuré, ce qui n'empêche pas une certaine variété de techniques et de textures : les parties les plus terre à  terres du films sont représentés avec des traits pleins, durs, tandis que les éléments plus métaphoriques ont des limites plus progressives, plus graduelles. C'est notamment le cas des ombres ; lesquelles sont utilisées pour symboliser les personnages dans leur for intérieur, avec tout ce qui tient du souvenir, du regret, de l'imaginaire, bref, du mental.
Le film est également assez peu coloré, et il se dégage une véritable impression de vide dans les scènes qui accentuent vraiment le poids du chagrin : la maison est terne, les décors sont minimalistes, les personnages évoluent la plupart du temps dans un grand espace dénudé, pas toujours clairement délimité (comprenez "sans fin"), où il n'y a rien pour nous distraire du souvenir douloureux.
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La mémoire est bien-sûr le nerfs de la guerre artistique du film. On y fait référence à  travers quelques objets qui portent une symbolique nostalgique, comme la platine vinyl ; mais surtout visuellement dans les jeux de couleurs. Les moments les plus heureux et colorés du films sont des flashbacks qui retracent la vie de la personne disparue (notez les trésors de rhétorique que j'emploie pour ne pas vous dire qui c'est !). On nous montre la joie, on nous montre l'amour, on nous montre l'évasion... Des moments d'insouciance, voyez-vous.
Et puis le personnage part, s'en va, de gauche à  droite du cadre. Les ombres tentent de barrer sa route, de toute leur force, et rien n'y fait. Le personnage disparaît du cadre, et ne reviendra plus jamais en arrière. On le voit entrer dans un bâtiment que tout le monde reconnaîtra, une cloche sonne ; et puis viennent les coups de feus, et les cris. Le silence. Un téléphone portable. Un dernier SMS : "Quoi qu'il arrive, je vous aime."
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Ces derniers mots se fondent en averse, et alors on comprend. On comprend l'horreur qui a rendu cette famille dangereusement caduque. Le film pointe du doigts avec beaucoup de puissance un sujet bien connu qui hante les Etats-Unis, et si ça ne doit pas plaire aux libertariens et autre rednecks notoires, il est difficile de ne pas être saisi par la poésie du métrage. Et pourtant, le film nous laisse avec une note d'espoir : c'est à  travers des épreuves aussi difficiles qu'il faut rester ensemble, pour se serrer les coudes, et pour la mémoire de ceux qui ne sont plus là .
Je vous laisse avec ces mots, le reste, c'est à  vous de le découvrir.