THOR : LOVE AND THUNDER - Taika Waititi (2022).

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Film

Evil Ted

-

1 août 2023

" Que penser de ce 4ème film solo mettant en scène le Dieu nordique de Marvel ? Vaut-il vraiment ce que l'on peut lire/entendre partout ? Ou est-ce qu'il y a autre chose de bien plus intéressant sous cet habillage « too much » ? "
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En voilà  un film qui déchaine les passions sur les réseaux sociaux. Sans être le film du siècle ou même de l'année, ce 4ème chapitre solo du fils d'Odin ne mérite pas pour autant toutes les critiques assassines récoltées depuis sa sortie.
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Prenons tout d'abord le personnage de Zeus, incarné par Russell Crowe qui cristallise pas mal de frustrations. On peut lire que « Maximus Decimus Meridius » (le héros de Gladiator) doit se retourner dans sa tombe. Je ne suis pas d'accord sur ce point car les enjeux sont différents. Ici, ce Zeus too much permet au réalisateur de critiquer de manière générale tous les puissants d'une société plus occupés à  programmer des fiestas et à  compter leurs nombres d'abonnés…pardon…d'adorateurs morts en leur nom plutôt que de prendre soin des peuples dont ils sont responsables. Taika faisant même passer le Dieu des Dieux pour un lâche bien conscient de la menace qui pèse et préférant rester caché et protégé dans sa tour d'ivoire (la première scène post-générique accentuera ce côté pitoyable, fourbe, mesquin et violent). Ainsi cette approche « too much/grandiloquente » est finalement assez logique car nous avons à  faire à  des Dieux, quasi invincibles, aux égos surdimensionnés qui pourraient régler des « menaces normales pour des humains » d'un simple revers de la main. Je ne peux donc que valider l'évolution du personnage campé par Chris Hemsworth qui devient de plus en plus comique/nonchalant au fil du MCU.Cela l'humanise et permet aux spectateurs d'avoir de l'empathie et de s'identifier autant que possible à  ce héros-modèle (sa dépression post-Thanos, l'un des maux les plus représentatifs de la société moderne, en est le parfait exemple).
T.Waititi rajoute d'ailleurs une couche à  cet aspect satirique qu'il avait déjà  mis en scène dans les toutes premières minutes du long métrage lorsque que Gorr rencontre le Dieu Rapu après un événement tragique. Il devient par la force des choses le boucher des dieux et se lance dans une quête vengeresse après avoir été spolié de tout à  cause d'un Dieu indifférent et insensible à  son sort et à  celui de son peuple disparu. La lutte des classes version Taika Waititi ? On en est pas si loin.
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De tragédie il en est question dans ce film et pas seulement pour Gorr (Christian Bale) : Jane Foster (Natalie Portman) devenant notamment Mighty Thor pour ne plus souffrir (mais les effets s'avéreront pires que le remède…). Ce grand écart entre comédie et tragédie est souvent mis en avant dans les critiques à  l'encontre du film, certain(e)s considérant que le réalisateur ne saurait pas sur quel pied danser. C'est mal connaitre la filmographie de Taika Waititi. Beaucoup oublient qu'entre THOR : RAGNAROK et THOR : LOVE AND THUNDER, il a tourné JOJO RABBIT dont l'histoire met en scène un petit garçon allemand des jeunesses hitlériennes, ayant comme ami imaginaire Adolf Hitler, et dont la vie va basculer en découvrant que sa mère cache une petite fille juive dans sa maison. Vous conviendrez qu'en matière de grand écart casse-gueule entre comédie et tragédie, le cinéaste fait fort. Et pourtant ce film de 2019 est magistral et mérite d'être vu tout autant que LA VIE EST BELLE de Roberto Benigni (1998). Il est également question d'amour, thématique centrale du film, qui va motiver les principaux protagonistes selon leurs propres enjeux/quêtes (d'ailleurs le "Love" de "Love and Thunder" n'est pas forcément celui/celle que l'on croit).
On reproche également une méconnaissance des comics, et pourtant là  encore, Taika puise, à  sa manière, du côté du comics originel. En effet, dans le comics Journey Into Mystery n° 83 de 1962 (il me semble), on apprend que Thor avait été enfermé par Odin dans le corps de Donald Blake, un médecin souffrant d'un handicap. Il ne pouvait redevenir le Dieu Asgardien que lorsqu'il s'emparait du marteau Mjà¶llnir (Musclor ayant un peu repris ce concept). Ainsi, lorsqu'elle relâche le marteau, Mighty Thor redevient Jane Foster (et souffre à  nouveau de sa maladie incurable). Ces critiques me font alors penser à  celles dirigées contre le Hulk d'Ang Lee sorti en 2003 (notamment celles sur ses sauts/bonds vertigineux) ; parfois il faut lire/revoir ses classiques…
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J'ai également apprécié le propos inclusif qui nous montre un film bien dans son époque (le personnage de Valkyrie, le peuple de Korg et les naissances), ainsi que le traitement de l'enfance. Sur ce thème des enfants T.Waititi voit encore juste que ce soit lors de la scène des enlèvements menés par les monstres des ombres créés par Gorr qui surgissent sous les lits (une peur partagée par beaucoup d'enfants), et plus tard lors d'une scène de combat épique que mèneront ces enfants contre les monstres (la meilleure scène du film en ce qui me concerne). Il arrive à  capter toute la peur, la résistance, la force, le courage et l'insouciance que peuvent avoir des enfants face des situations extrêmes (ce que l'on avait déjà  vu dans JOJO RABBIT). Le réalisateur en profite même pour critiquer les sociétés consuméristes qui n'hésitent pas à  capitaliser et à  marchandiser tout, même les drames. New Asgard ne faisant malheureusement pas exception avec les acteurs de la pièce de théâtre voulant immédiatement mettre en scène les enlèvements des enfants pour les jouer aux touristes visiteurs (ou encore la boutique de glaces « le cornet de l'infini »).
Enfin, le réalisateur multiplie les clins d'oeil à  la culture geek qu'ils soient flagrants (à  JCVD avec son grand écart et son sidekick légendaire) ou plus subtils (le look de Thor au début du film est calqué sur celui de Kurt Russell dans LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN). Sans oublier les vannes/punchlines lancées par le personnage de Korg (Jane Fonda et Jodie Foster à  la place de Jane Foster) la bande son qui fait la part belle au hard metal des 80's (Guns N'Roses et Dio), mais aussi à  des titres cultes tels que « Only Time » d'Enya ou « Family Affair » de Mary J. Blige. La présence des (As)Gardiens de la Galaxie est intelligemment dosée et je n'en attendais pas plus en ce qui me concerne (il y aura le volume 3 en 2023).
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THOR : LOVE AND THUNDER ne plaira pas à  tout le monde et n'est pas exempt de tout reproche : les effets spéciaux ne sont pas toujours réussis, des vannes et des running gags qui ne seront pas forcément au goût de certain(e)s (Stormbreaker, les 2 chèvres)… Il n'en demeure pas moins divertissant et moins superficiel/potache qu'il n'y parait (plusieurs degrés de lecture). Un film à  part dans le MCU, comme l'étaient déjà  THOR : RAGNAROK et plus récemment DOCTOR STRANGE IN THE MULTIVERSE OF MADNESS, où la patte et la personnalité du réalisateur se sentent bien plus que dans les autres films.
Bonne séance.
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