Faut-il redonner sa chance à  la saga Twilight ?

Fantasy

Film

USA

Verveneyel

-

1 août 2023

" Pendant les congés d'été, j'ai eu l'occasion de suivre ma compagne au cinéma, alors que celui-ci repassait le premier épisode de la saga Twilight. Certains d'entre vous se disent certainement "... ce qu'il ne faut pas faire par faire par amour", et disons en toute honnêteté, vous n'avez pas totalement tort, du moins au début... "
Pendant les congés d'été, j'ai eu l'occasion de suivre ma compagne au cinéma, alors que celui-ci repassait le premier épisode de la saga Twilight. Certains d'entre vous se disent certainement "... ce qu'il ne faut pas faire par faire par amour", et disons en toute honnêteté, vous n'avez pas totalement tort, du moins au début.
Pour remettre les choses à  leur place, je suis dans ma vingtaine, et Twilight est apparu du temps de mon adolescence, s'étalant de mes années collège à  mes années lycée. Et à  l'époque, le jugement par rapport à  un tel film était biaisé. À l'époque de la sortie des premiers films, il était globalement admit que les garçons n'étaient pas le public cible et qu'il ne fallait ni s'y intéresser ni s'y plaire, surtout alors que la saga Underworld continuait de sortir ses films. Le meilleur épisode de cette saga, d'ailleurs, Le Soulèvement des Lycans, sortait un an après le premier Twilight, le bras de fer était engagé. Me souvenant de cette époque et de ce consensus, j'ai également consenti à  la voir en salle en me disant que j'avais des chances de dépasser cette opinion publique juvénile.
Description de l'image
Contre toute attente, j'ai effectivement changé mon point de vue, j'ai passé un bon moment, et j'ai même lu le premier roman de la saga pour pouvoir en avoir une vision globale enrichie. Parce qu'il y a du bon dans Twilight, notamment dans le premier opus, qui sera au cÅ“ur de cette critique. Je me permets ceci dit un petit disclaimer : certains d'entre vous penseront probablement que Twilight n'a pas sa place sur un webzine de culture Metal. Après tout, ce n'est pas tellement un film d'horreur, il n'y a pas de Metal (ou presque) dans la musique des films, bref, Twilight semble bien loin des préoccupations de Blastphème. Et vous avez tort. D'une part, parce que, qu'on s'en réjouisse ou pas, Twilight illustre d'une certaine manière la figure du vampire, figure sans âge qui, elle, a sans aucun doute inspiré la culture Metal à  plus d'un titre, mais plus encore, la saga ayant eu un très grand succès, il est plus que probable qu'une certaine frange non-négligeable des auditeurs et artistes de Metal actuels aient vu les films, lu les livres, les ait aimé, s'en soit inspiré.
Le premier constat, c'est que le premier film Twilight est arrivé en salle avec beaucoup de pression sur ses épaules. Dans les années 2000, début 2010, la concurrence était assez rude, alors que les sagas Harry Potter, Le Monde de Narnia et Underworld (n'oublions pas non plus qu'Hunger Games n'était pas bien loin) suivaient leur cours avec succès, tandis que d'autres disparaissaient à  tort et à  raison après le premier essai, comme Spiderwick, Eragon, Les Orphelins Baudelaire ou La Croisée Des Mondes : La Boussole d'Or. Il y avait alors une bonne partie de la production de blockbuster qui cravachait pour lancer des séries de films pour jeunes ados et adultes en devenir. La pari était d'autant plus risqué que contrairement aux sagas citées plus haut, relativement neutres, pour ne pas dire tiède sur le plan sentimental, le film se positionnait comme l'adaptation d'une Å“uvre littéraire adoptant le point de vue d'une jeune fille, et tournant principalement autour de sa vie sentimentale. Il y avait donc le risque de se mettre à  dos une partie du public masculin, ce qui s'est, dans une certaine mesure, produit. Quand CBS News parle d'un public inattendu pour la sortie de New Moon, ils expriment de la surprise quant au fait que des mères aient accompagnées leurs filles au cinéma, mais le public masculin n'apparaît pas du tout, ce qui souligne une certaine absence. Le public fidèle de la bit-lit est assez ciblé, pour le meilleur et pour le pire.
Description de l'image
Allant avec une réputation de film girly, il est souvent plus ou moins admit que les films ne sont pas terribles, et beaucoup d'anciens fans que j'ai rencontré n'assument plus tellement leur amour passé pour Twilight, le voyant plus comme un genre de madeleine de Proust qui a dépassé la date de péremption, un peu comme Spy-Kids ou les Power Rangers. Et pourtant, est-ce que c'est si honteux que ça d'aimer Twilight ?
Dans les faits, au contraire, ça tient carrément la route. On va se concentrer sur le premier, comme annoncé, mais il y a pas mal de choses à  dire. Déjà , c'est un film qui au niveau de sa structure est une Å“uvre pour les femmes, par les femmes. En effet, c'est une femme qui gère tous les postes clés de la création, comme la réalisation, le scénario, et le montage. à‡a n'a l'air de rien, mais pour une industrie gérée majoritairement par des hommes, c'est assez rare et encourageant. Le film s'est également fait pour un budget de 37 millions de dollars pour deux heures de films, ce qui est peu par rapport à  Eragon ou Spiderwick par exemple, qui n'auront pas dépassé le premier film. Pour vous dire, c'est même moins cher que le Spawn de 1997 qui est une triste débâcle !
Avec ce budget relativement modeste donc Catherine Hardwicke a fait du bon boulot. Le film a beaucoup de style et l'écriture qui va avec est sublimée par la mise en scène. On retrouve le personnage de Bella Swan dans une phase transitionnelle de sa vie, le début de la vie d'adulte, un nouveau départ, dans un nouvel environnement, et ce nouveau milieu est aussi fascinant qu'intimidant ; une opposition qui va parcourir cet article.
Description de l'image
Les espaces sont énormes, la nature y est reine, majestueuse, gigantesque, et les traces de l'humain sont avalées par la végétation et la roche. Malgré tout, la lumière est froide, le soleil brille à  peine, tout est bleu, gris, vert, brun, ce qui colore l'atmosphère d'une certaine hostilité. En poussant l'interprétation, la région est peuplée de vampires et de loups-garous, le coeur du lieu bat à  travers ses légendes ancestrales. Twilight existe à  travers une terre de dangers, parcourue de mystères, et d'une faune sauvage sanguinaire (d'ailleurs, les humains, qui ignorent l'existence des vampires, pensent qu'un ours est responsable des meurtres perpétrés dans les environs). C'est bien vu et c'est pour le coup très fidèle au roman de Stephenie Meyer. On regrettera d'ailleurs que la lumière froide disparaisse de plus en plus de film en film.
On est invité à  comprendre le malaise de notre protagoniste également dans la direction et le traitement des acteurs, parfois inégaux, mais globalement au service de l'idée générale : Bella est en rupture avec ses parents, et ne semble pleinement comprises ni par sa mère, ni par son père, père dont elle s'est éloignée ce qui rend leur cohabitation d'autant plus étrange. Plus encore, Bella arrive dans une nouvelle école où tout le monde se connait, et où elle devient assez logiquement une sorte d'attraction, un sujet de cancan et de convoitise. Comment le ressent-on ? Ma foi, tant dans le jeu que dans le montage. Les camarades humains de Bella sont ennuyeux et invasifs. Ils s'agglutinent à  elle est s'auto-désignent comme ses amis, mais notre héroïne est toujours séparée d'eux dans le cadre. Elle se trouve aspirée dans un groupe social dans lequel elle ne se sent pas à  l'aise. Certains élèves du lycée tentent également de la séduire, parfois de façon très poussive, et accentuent davantage la distance entre elle et le groupe. On y reviendra mais déjà  en 2008 le filme dénonce des formes de harcèlement dont on parle encore aujourd'hui.
Description de l'image
Coincée entre des amies superficielles et des amis trop collants, Bella rêve d'un ailleurs, et c'est ainsi qu'à  un repas elle se retourne pour entrevoir la table de la fratrie Cullen, les reclus, les marginaux, qui suscitent de nombreux fantasmes, mais surtout une certaine antipathie, parce qu'ils sont inaccessibles. Et là  malgré tout, le film, de façon plus vibrante encore que le livre, fait fort, parce qu'on a là  un message qui dépasse le public cible et s'adresse à  peu près à  tous de façon adroite. Le fait de ne pas se sentir bien dans un groupe, à  chercher sa place, ça peut parler à  beaucoup, je dirais même que ça résume assez bien mes années collèges, et sur ce point, Twilight n'a pas grand chose à  envier à  Harry Potter.
Dès lors que la dynamique entre Bella et les Cullen se met en place, se joue un classique jeu d'attraction-répulsion (teintée d'un peu de voyeurisme) qui finit par se concrétiser quand la vérité éclate et qu'Edward et Bella finissent enfin par se mettre ensemble. Ce n'est pas forcément originale, mais encore une fois, en dépit d'une direction d'acteur parfois un peu légère (Robert Pattinson fait beaucoup trop la tête pour que ce soit naturel), c'est plutôt bien fait. Car après tout, la découverte de la vie sentimentale, de la sexualité, c'est aussi un thème phare du film, de l'adolescence, et c'est aussi un vecteur de pression sociale. Toute l'insistance des personnage sur l'importance du bal dansant de l'école et une bonne illustration de cet impératif du couple, également présente dans le livre : il n'est pas normal de ne pas y aller, il n'est pas normal de ne pas y être conduit par un(e) partenaire, et on doit y être vu, se montrer.
Le fait qu'Edward et Bella entretiennent une relation chargée en secrets, du fait de la nature vampire du monsieur, est un contrepied total de ce besoin d'être vu. Leur intimité est chaleureuse, et c'est là  que Bella se sent bien. C'est pour cela que les scènes où ils ne sont que deux ont quelque chose d'aussi suspendu, d'aussi paisible.
Description de l'image
Mais bien-sûr, notre couple étant tout à  fait improbable, il faut que ça attire son lot de problèmes, comme dans West Side Story. En outre, c'est forcément compliqué de cohabiter avec des créatures qui se repaissent du sang. Le danger est toujours aux abois, mais c'est aussi ça, le passage à  l'âge adulte : c'est une prise de risque. Risque que Bella est d'ailleurs très vite prête à  prendre car en dépit des recommandations de son très séduisant vampire, elle se retrouve vite à  vouloir être comme lui. Parce que justement, l'âge adulte nous dit Twilight, c'est encore une fois aussi effrayant que fascinant. Voir son corps changer au point d'acquérir des capacités jusqu'alors inconnues, vivre suffisamment longtemps pour se réaliser en tant que personne et acquérir un savoir, une expérience vénérables ; voilà  ce que c'est que de grandir, et c'est ce que le vampire symbolise. En tout cas, la famille Cullen l'illustre avec le plus de vertu, car leur entêtement à  ne pas consommer de sang humain leur octroie de facto de grandes qualités telles que le pacifisme, l'abnégation, l'équanimité, la maîtrise de soi, bref, beaucoup de chose qui peuvent bâtir des figures d'adultes respectables. En soi, c'est une vision assez originale du vampire, qui ne contrôle pas si souvent ses pulsions. Le seul défaut qu'on pourrait y trouver, c'est que Bella se réalise beaucoup à  travers son conjoint, au moins jusqu'au cinquième film, ce qui ne l'affirme pas tellement comme personnage de femme forte. Pire, elle est parfois un personnage de damoiselle en détresse : Edward et sa famille, au-delà  du raisonnable, la protègent.
Description de l'image
Car le vampire, c'est aussi, depuis des siècles, la figure sexuelle par excellence. Comprenez le sexe sous toute ses formes. Stephenie Meyer étant de confession mormone, réprouvant donc toute forme de sexualité prénuptiale, sont mis en face à  face les êtres à  la sexualité acceptable que sont les Cullen, et les prédateurs, que sont les autres, ces vampires qui souhaitent se repaitre de Bella, James en tête de liste (vous noterez que je ne parle pas de Jacob, c'est normal, le personnage ne devient vraiment intéressant qu'à  partir du second film). La bigoterie est poussée si loin qu'Edward n'a même pas de lit, alors que la plupart des vampires de la littérature ont une couche, qu'il s'agisse d'un lit, d'une crypte, d'un cercueil. Il est tout naturel que sur le papier et à  l'écran les deux extrêmes s'affrontent.
Les scènes d'action, d'ailleurs, sont plutôt bien faites, au même titres que les effets spéciaux. Rappelons-le, le film a été fait avec un budget serré, avec pour objectif de plaire à  toute la famille. Sachant cela, les effets visuels sont sobres, économes, mais convaincants, et ne s'aventurent forcément pas dans des explosions de sang outrancières.
Ainsi donc, mis-à  part le côté un peu vieux jeu des valeurs de Stephenie Meyer, le roman parle avec une certaine justesse de choses auxquelles les jeunes ados peuvent se sentir concernés, et le film rend justice au livre en se montrant adroit et efficace. Les messages sont clairs, sans être poussifs.
Pour finir sur ce film, il faut préciser que "l'enrobage" a été soigné. D'une part, Catherine Hardwicke a fait ses devoirs, et n'hésite pas à  citer ouvertement ses classiques. On repère assez facilement des références à  Titanic par exemple, très bienvenue.
L'autre point fort du film, c'est sa bande originale, qui est un phénomène générationnel à  lui tout seul. Certes, à  part quelques timides inclusions de Linkin Park, pas de Metal à  se mettre sous la dent, mais on a quand même droit au haut du panier de la musique Pop Rock des années fin 2000, avec des artistes pas toujours très connus, et quelques coups de génie comme l'immense "Decode" de Paramore, plutôt sombre, violent et mélancolique comparé à  la discographie du combo d'Hayley Williams. L'OST de Twilight, c'est "Leave out All the Rest" de Linkin Park, tiré de Minutes To Midnight que certains voient comme le dernier bon album du groupe, c'est "Supermassive Black Hole" de Muse qui nous renvoie à  une période de Muse qui nous manque un peu aujourd'hui ; bref, ce sont douze titres qui sentent bon leur époque.
Donc bien-sûr Twilight a des défauts, tant dans son média de base que dans l'adaptation, moi-même le puritanisme et les vampires qui brillent au soleil, ça me fait un peu rire, mais c'est une saga qui n'a pas à  avoir honte, notamment pour son premier film, mon préféré des cinq, et, je pense, un bon film.
Quant à  savoir si je lirai les autres bouquins, notamment Midnight Sun qui vient de sortir chez votre libraire préféré, ma foi, pourquoi pas, mais j'ai encore quelques petites choses à  finir avant. Soyez ouvert, ne soyez pas bornés, et regardez des films !