Fucked up Jeunesse : Some Kind of Hate (2015)

Amérique

Film

Gore

Horreur

USA

Verveneyel

-

1 août 2023

" Je sais que j'ai tendance à  jouer les redresseurs de torts en déplorant constamment le statut trop underground de nombreuses Å“uvres. Que voulez-vous, je suis un enthousiaste, quand je vois du talent, de la sincérité, de l'originalité, j'ai vite envie d'en faire tout un plat. Et quitte à  créer une habitude, là  encore je suis tombé sur une pépite inconnue dont je ne comprends pas la confidentialité. "
Je sais que j'ai tendance à  jouer les redresseurs de torts en déplorant constamment le statut trop underground de nombreuses Å“uvres. Que voulez-vous, je suis un enthousiaste, quand je vois du talent, de la sincérité, de l'originalité, j'ai vite en vie d'en faire tout un plat. Quitte créer une habitude, là  encore je suis tombé sur une pépite inconnue dont je ne comprends pas la confidentialité.
Pour vous dire, le film dont je vous parle aujourd'hui n'est même pas sorti en France, trouver des sous-titres est la croix et la bannière, et je peux me féliciter de connaître les bonnes adresses à  Dublin pour avoir eu la chance de me procurer un DVD, totalement par hasard.
Description de l'image
Some Kind of Hate, sorti en 2015, est un film d'horreur réalisé par Adam Egypt Mortimer qui signe avec cet opus son premier film. Sur l'affiche on retrouve de nombreux acteurs qui depuis se sont surtout fait une renommée sur le petit écran, comme Ronen Rubinstein, Grace Phipps et Sierra McCormick. Produit avec un budget de 250 000 dollars pour une heure vingt de film, c'est une péloche hors des sentiers battus, indépendantes, qui récolte des critiques tièdes sur internet, qu'à  mon sens elle ne mérite pas. Situons l'histoire : le film nous présente Lincoln, un jeune adulte grandissant dans un climat familial toxique, harcelé à  l'école ; qui après s'être retourné contre ses agresseurs est envoyé dans une institution éducative alternative pour apprendre à  maîtriser ses pulsions. Mais les agressions reprenne car ses co-pensionnaires décident de le tester. Au comble de la colère, Lincoln réveille un esprit vengeur qui attendait, hantant l'école.
Pour commencer, je trouve le film rafraichissant dans son approche : le film cite ses classiques, typiquement Carrie de Bryan de Palma, Morse de Tomas Alfredson et Les Griffes de la Nuit de Wes Craven, mais va plus loin grâce à  la fusion de ces influences. Some Kind of Hate est une espèce de Slasher, mais teinté d'une dimension psychologique qui lui donne une certaine originalité. La relation entre les protagonistes et le fantôme (Moïra) est plus complexe que dans la plupart des Slashers : il est assez rare que le tueur soit techniquement du même côté que les protagonistes, ou du moins en ait l'impression. À part dans Texas Chainsaw 3D de John Luessenhop et Candyman de Bernard Rose, je n'ai pas vraiment souvenir d'un tel mode de relation. Je dirais même que ces deux exemples sont invalides (ATTENTION SPOILER) : dans Texas Chainsaw 3D¸ Leatherface défend Heather parce que c'est sa cousine ; dans Candyman il y a une espèce de relation amoureuse entre le Candyman et Helen, d'autant que le film laisse planer le doute sur le fait que Daniel Robitaille n'est peut être qu'une hallucination de cette dernière, qui serait alors la vraie tueuse du film. Clive Barker, on t'aime. (FIN DU SPOILER)
Moïra est morte jeune, elle est restée assez enfantine et impulsive même dans la mort, et n'a pas eu le temps de murir. Ainsi donc, quand elle entend le malheur de Lincoln et Kaitlin, qu'elle le met en perspective avec sa propre rancÅ“ur, elle est persuadée que tous les deux la comprenne, qu'elle leur rend service en perpétrant des massacres. Là  où Lincoln et Kaitlin accèdent à  une certaine maturité au contact de l'un et de l'autre, Moïra est restée coincée dans sa solitude, qu'elle a subit, et qu'elle a provoquée puisqu'elle finit même par se mettre à  dos ses potentiels alliés. Elle aura beau voir en eux des amis, qui ont besoin d'elle et qui lui ressemblent, elle est toujours aussi seule. L'air de rien, c'est original. à‡a passe d'autant mieux que c'est bien écrit : une métaphore vraie et sincère de la vie des jeunes adultes est en jeu. Les deux protagonistes progressent face à  l'adversité en se trouvant l'un et l'autre. Ils n'ont pas besoin de "devenir normaux", de s'effacer, juste de trouver quelqu'un qui les comprenne. Le nerf de la guerre des années collège-lycée. Ce ne sont d'ailleurs pas les deux seuls "weirdos" du films qui s'entendent et s'inspirent de la compassion : c'est aussi le rôle du personnage d'Isaac. Toute la morbidité du film tient sur le fait que Moïra reste désespérément seule face à  l'adversité, et n'en vient jamais à  bout. Elle se sent forte dans la vengeance et le bain de sang, mais n'arrive jamais à  être heureuse. En lisant ça, vous vous dites que c'est assez profond, et vous avez raison. Le meilleur dans tout ça reste que les acteurs jouent avec beaucoup plus de justesse qu'on ne pourrait le croire. Là  encore, c'est tellement agréable, parce qu'on est habitués à  avoir des acteurs plus ou moins à  la ramasse dans ce genre de film, surtout avec un tel budget. Combien ont juste l'air d'attendre que ça se passe à  l'écran ? Pourtant ici, le jeu est sobre, efficace, crédible. Pas exceptionnel, juste suffisant. Pétard de sort, ça fait du bien !
Description de l'image
Pour en finir avec Moïra, ses pouvoirs aussi sont originaux. On aura déjà  vu des choses relativement similaires dans des comics par exemple (Gravel), mais pas tant que ça au cinéma. Je ne vous dirai pas ce que c'est, mais c'est visuellement assez fort, et ça favorise une bonne grosse dose de gore, parce que de temps en temps, il en faut.
Le film est un essai sur la culpabilité, les responsabilités, l'authenticité et les mensonges. Dans le désert, privés de la vie citadine, les personnages se révèlent dans toute leur laideur, leur faiblesse. La narration remet les gens à  leur place, y compris ceux qui donnent des leçons. On gratte ici les parts d'ombres de tout le monde.
Pour enfoncer le clou, la bande-originale du film est très chouette, et la réalisation a quelques petits coups de génie par-ci par-là . Je retiendrai notamment le petit jeu d'ombres chinoises de Lincoln et Kaitlin pendant une scène sensuelle, très beau, très poétique et bien amenée car on en ressent l'impact sur les personnages.
Description de l'image
En outre, je vous conseil d'enchaîner le visionnage de Some Kind of Hate avec la lecture de Le Faire ou Mourir de Claire-Lise Marguier en écoutant In Utero de Nirvana, ça ne vous rendra pas joyeux, mais vous aurez pris un parfait cocktail d'angoisse teenage qui vous fera réfléchir à  deux fois avant de penser que le harcèlement à  l'école c'est juste des jeunes qui se chahutent! Mais surtout, cherchez Some Kind of Hate, regardez-le, travaillez votre anglais, et faites pression pour qu'on finisse par l'avoir. C'est un bon film d'horreur, bien fait, honnête, plein de bonnes idées pour un premier film. C'est également un film qui brasse large et saura plaire aux amateurs d'épouvantes plus portés sur l'atmosphère, comme les amateurs de gores et de malaise. Bon sang, je n'arrive pas à  croire qu'on soit obligé de se farcir des remakes nuls de Carrie, Freddy, Morse ou Chucky quand on pourrait avoir des petites choses bien faites comme ça. Ce n'est pas le chef d'oeuvre du siècle, nous sommes bien d'accord, mais c'est une production qui ne mérite pas un quart de la froideur qu'elle récolte, un vrai bon moment de film, qui sait mettre mal à  l'aise et faire réfléchir.
Je compte sur vous !