Les clips vidéos en stop motion dans la musique Metal
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Verveneyel
-
1 août 2023
" Aujourd'hui les amis une petite sélection difficile à classer entre article cinématographique et musical. Fichtre, ça n'aura qu'à être dans les deux... "
Aujourd'hui les amis une petite sélection difficile à classer entre article cinématographique et musical. Fichtre, ça n'aura qu'à être dans les deux!
Au programme: dresser une liste non-exhaustive mais néanmoins variée de clips vidéos réalisés en stop-motion (aussi appelée "Animation en volume" dans la langue de Baudelaire) pour un morceau de Metal. Et avant que des cris ne commencent à retentir dans l'assistance je tiens à préciser que j'ai sélectionné pour l'occasion des clips dont l'immense majorité est faite en stop-motion, en prenant garde à ce que d'autres techniques cinématographiques ne soient pas trop présentes. Je tiens aussi à préciser que tout ceci n'est que mon interprétation, libre à vous d'y adhérer ou pas. Je précise également que cet article est une relecture déjà publiée précédemment dans un de mes précédents webzine, que j'ai choisi délibérément de ramener des limbes, car il me semble que découvrir cet univers visuel relève de la nécessité !
Avant toute chose, le stop-motion, qu'est-ce que c'est ? Qu'on s'accorde sur une chose: vous en avez forcément déjà vu, quel que soit votre niveau d'amour pour le cinéma! Pour la petite histoire, cette technique a été utilisée pour la première fois, selon toute vraisemblance, par le réalisateur Américain James S. Blackton et son film Humpty Dumpty's Circus à la fin du XIXème siècle dont il ne reste que deux photos; le film ayant eu un succès sans doute insuffisant pour être protégé. Le dessin animé existait déjà à l'époque, car développés depuis 1892 (hé oui, les premières projections sur grand écran, avant les vues Lumières, c'était de l'animation), cependant, contrairement au français Emile Reynaud, Blackton ne dessine pas à même la pellicule de sa caméra, mais crée l'illusion du mouvement en photographiant une suite de dessins, lesquels ont tous une légère différence. Cette trouvaille faite, Blackton l'appliquera à plusieurs matériaux, dont de véritables objets ou marionnettes en trois dimension, ce qui donnera l'animation en volume.
C'est cette technique qui deviendra la meilleure amie des premiers films d'épouvantes mettant en scène des monstres ou des pouvoirs étrange, j'en prends pour preuve les cercueils se déplaçant tout seuls de manière saccadée dans Nosferatu : Ein Symphonie des Grauens de Murnau, ou le mythique King Kong de Merian Cooper. Elle aura été utilisée tout au long du XXème siècle et sera passé entre les mains d'artistes devenus de véritables experts, comme Ladislas Starevitch, Jiri Trnka, Jan Svankmajer mais surtout Ray Harryhausen, l'homme derrière les animations du Clash of Titans de 1981. Plus récemment si vous avez vu, au hasard, les épisodes de Wallace et Gromit, L'étrange Noà«l de Mr. Jack, Coraline ou le dernier Wes Anderson (L'île aux Chiens), surprise, vous avez vu du stop motion! Des films où vous avez pu voir des figurines et marionnettes figées, en divers matériaux, déplacés image par image par l'équipe du film; et ça marche envers et contre tout.Je ne résiste pas, au passage, à vous glisser ça, pour votre culture :
Si on reproche souvent au stop-motion d'être une animation peu fluide et plutôt kitsch, elle présente un avantage certain pour des Å“uvres de fiction: sa relation au réel. Contrairement à un film en image de synthèse ou un dessin-animé qui fait émerger un monde ex-nihilo; le film stop-motion crée une intrusion dans notre monde réel comme aucune autre technique. Les textures sont organiques, les objets et les personnages y sont déformés et pourtant factuels. Le stop-motion, c'est le rêve réalisé de l'enfant qui voudrait que ses jouets bougent. Et ainsi des acteurs de chairs et d'os côtoient des figures mouvante sans que la rupture entre les deux mondes soient aussi nette que dans un Mary Poppins. Les critiques qui méprisent le stop motion, le trouvent ringard, n'ont d'ailleurs jamais eu tant tort que la technique revient au goût du jour, avec notamment la série Netflix Dark Crystal : Age of Resistance, fidèle à la mémoire de Jim Henson, qui utilise, entre autres, le stop motion.
Cette ambiguïté, il faudra la garder en tête, car c'est en trois catégories thématiques que j'ai classé les 16 clips que je vous présente aujourd'hui, et le rapport à la réalité jouera un rôle à chaque fois.
L'ANIMATION, C'EST POUR LES ENFANTS
(Primus - The Devil Went Down to Georgie)
Pour sa reprise du célèbre morceau du Charlie Daniels Band, Primus propose un clip stop-motion qui pour moi a vocation à rendre la vidéo plus enfantine. Dans le clip le diable a des traits exagérés, l'action est globalement comique et cartoonesque, et le fait d'être passé par le stop-motion donne effectivement cette illusion de jeu d'enfant qui s'anime. Le clip garde des moments angoissants au moment où le diable joue son solo, mais à la fin le jeune et valeureux héro bat le méchant, et tout est bien qui finit bien. Soit dit en passant, Primus est assez friand de stop motion, et l'utilise plus d'une fois !
(Green Jelly - The Three Little Pigs)
Prenez un compte pour enfant, videz une poubelle dessus, rajoutez-y une pédale de distorsion et mettez le tout dans un mixeur, en ressortira une version complètement borderline et Rock N'Roll de la célèbre histoire des trois petits cochons, par Green Jelly. Ici l'utilisation du stop-motion est évidemment de rattacher encore plus l'oeuvre au monde de l'enfance, pour cultiver la contradiction entre des paroles et une musique assez violente, entre Punk Rock et Crossover Thrash, et les couleurs criardes, les figures en patte à modeler et le burlesque de l'action. La conclusion sanglante n'y changera rien: c'est drôle du début à la fin.
(Killswitch Engage - Save Me)
Bien que la chanson ne soit pas aussi ouvertement comique ou enfantine que les deux précédentes, les géants de la scène Metalcore du Massachusetts ont ici choisi de jouer la carte de l'autodérision sur le clip de "Save Me" sortie sur l'album Disarm the Descent; en bricolant un scénario loufoque où Howard Jones, ratant une répèt' pour aller pêcher en pleine nuit, se fait enlever par des extraterrestre.
(The Vision Bleak - The Wood Hag)
Cette fois-ci on renverse totalement le propos comique de Johnny le violoniste et des trois petits cochons, mais on raconte toujours une histoire aux enfants. Parfois les contes n'hésitent pas à faire peur à leurs jeunes lecteurs pour leur apprendre la prudence: c'est le cas d'Hansel und Gretel. Et quoi de mieux pour raconter cette histoire que d'en faire une chanson, illustrée par un terrifiant mais non moins savoureux clip en stop-motion ?
(Steven Wilson - Routine)
Steven Wilson adore le stop motion, disons-le, c'est pour ça qu'il l'utilise pour les clips de "Routine" et "Drive Home", et pour le coup, ce qui en découle, c'est bien un rapport à l'enfance, mais pas dans le but d'infantiliser le contenu : pour donner corps à la nostalgie. Les deux clips susmentionnés respirent la mélancolie, le souvenir ; et l'animation renforce ce sentiment. Je vous parlais plutôt du rêve de tout enfant de voir ses jouets bouger. Ici Steven Wilson nous parle de spleen avec des jouets qui bougent, et n'hésite pas même à rendre cet aspect encore plus explicite en usant de mise en abîme : les personnages dans les clips (s)ont des jouets, des dessins gribouillés. Les symboliques sont rendues très belles par la nature du média.
C'EST FAIT À LA MAIN, C'EST PLUS AUTHENTIQUE
(Sepultura - Ratamahatta)
Pour l'une des chansons les plus tribales de la discographie de Sepultura, le clip se devait d'être exceptionnel. Si l'on peut certes repérer des éléments d'horreur et de gore dans la narration de cette vidéo, ce n'est pas tant l'angoisse qui prime qu'une importante empreinte culturelle, et c'est à mon humble avis ce qui a motivé le choix du groupe de s'orienter vers le stop-motion. De part son côté "factuel" et "artisanal", les figurines renforcent un écho vers quelque chose de traditionnel.
(Slipknot - Wait and Bleed)
Pour l'un de leurs morceaux les plus adulés, les gars de Slipknot ont choisi le stop motion. Et même si le clip est emprunt d'une inquiétante étrangeté, dont on parlera dans quelques instants, je pense que l'une des raisons principales de se choix d'animation réside dans son côté DIY, fait à la main, qui sert l'ambiance du clip en général : montage épileptique, pellicule vieillie, gros grain d'image... Tout cela sert cette image de groupe des bas-fonds, que le groupe était du temps de son premier album. Le clip n'est pas tout à fait "propre", et c'est ce qui le rend "vrai" !
(Soul Dealer - Procreation)
Si vous êtes fans de cinéma d'horreur à tendance Gore, vous savez sûrement que les films pionniers des genres les plus sanglants du cinéma étaient souvent faits avec de grosses ficelles en termes d'effets spéciaux. C'est par exemple à ce genre de cinéma que JJ Abrams rend hommage dans le sympathique Super 8. À mon avis, au-delà de l'humour un peu concon de ce clip de Soul Dealer, c'est à ce genre de cinéma en papier mâché que le groupe fait référence : du sang à profusion, des créatures baveuses, des décors en carton. Et donc, pour pousser le côté daté, organique, fait à la main, rien de tel qu'une bonne grosse stop motion en pâte à modeler !
C'EST INHUMAIN, ET SON CONTRAIRE
L'animation stop-motion de par son côté organique, est un vecteur d'inquiétante étrangeté très efficace. L'inquiétante étrangeté, c'est quand quelque chose ressemble tellement au réel que la moindre différence avec celui-ci devient monstrueuse. C'est à travers ce terme qu'on illustre la peur des clowns, ou des poupées. Or cela n'a pas échappé à nos musiciens favoris pour produire des clips particulièrement effrayants, basés sur ce rapport au réel, à l'humain, au corps...
(Alice In Chains - I Stay Away)
On commence tout doucement sur le plan de la terreur, mais on ne peut pas nier que ce clip d'Alice in Chains a quelque chose de vraiment bizarre. Tous les personnages reconnaissables sont d'une certaine manière déformés : on met l'accent sur le marquage de leurs traits, ce qui les éloigne du réel. Et quand ce ne sont pas les humains qui sont bizarres, ce sont les animaux, avec des couleurs souvent peu naturelles.
(Ingested - Another Breath)
Exemple le plus récent de cette sélection, Ingested nous propose ici une terrifiante plongée dans la folie, à travers l'animation stop motion, qui a tout particulièrement trait au corps : on reconnait sans problème des sujets humains, ou humanoïdes, dont on va représenter la souffrance. Et déjà le simple fait de choisir ce type d'animation, avec des figures en pâte à modeler, tient une symbolique énorme : échappant à la gestation douce de la vraie vie, le personnages naissent sculptés par un bistouri. Leurs formes sont taillés par des lames, modelés par des pressions, et des contacts. Ces personnages sont agressés dès lors qu'ils sont fait, et leur corps est marqué. Mais c'est une fois qu'ils sont enfin mis en scène que les corps subissent outrages, transformations, mutilations, pour devenir le miroir de leur psychologie.
(Ghostemane - Gatteka)
C'est cette même malléabilité des corps qui intéresse probablement le projet Trap-Metal Ghostemane dans ses deux clips "Gatteka" et "Bonesaw", deux clips torturés avec des personnages outragés, mutilés, et mentalement instables. C'est gentiment glaçant, juste ce qu'il faut.
(ASP - Me)
Les fans d'Henry Sellick et Tim Burton, celle-là est pour vous. À son titre et à la simple connaissance du fait qu'ASP est un groupe de Metal profondément Gothique, on peut imaginer que cette chanson est très personnelle et introspective... Et à vrai dire on n'en sait rien. La chanson est très mystérieuse, le clip aussi, mais ce que l'on est sûr de voir en tout cas, c'est la catharsis exaltée de différents ressentis: la solitude, le deuil, l'amour insatisfait; et tout ça grâce à un gros travail sur l'expression des poupées utilisées. On n'est pas sûr de tout comprendre, mais on ressent une empathie forte.
(Tool - Sober)
Le moins qu'on puisse sur le premier album de Tool, Undertow, c'est qu'il a permit au groupe de faire une entrée remarquée dans le show business, avec des textes déjà très graves; et les premières controverses. Deux clips ont tous les deux été réalisés en stop-motion pour cette galette, celui du morceau "Prison Sex" et celui de "Sober", chacun décrivant d'une part des traumatismes d'enfance à base d'abus sexuels, et d'autre part la spirale infernale de l'addiction. D'où une controverse assez importante qui a entraîné une assez faible diffusion de ces clips sur les médias de grande écoute. De ces deux clips j'ai choisi de développer plus particulièrement celui de "Sober" pour la simple et bonne raison que je le préfère. Comme tous les clips de Tool il a été réalisé par Adam Jones, guitariste du groupe, et le stop-motion ne pouvait pas être mieux choisi pour glacer le sang du spectateur. De par le visage déformé de son protagoniste, le manque de naturel des mouvements et les décors factuels, on subit avec horreur le reflet de notre inhumanité désincarnée, de notre réalité devenue monstrueuse et oppressante.
(Meshuggah - I Am Colossus)
On ne connait pas tant Meshuggah pour des mélodies épiques et harmonieuses que pour des basses qui vous soulèvent l'estomac, des rythmes qui vous plongent dans la confusion, et une ambiance inquiétante. Ces trois éléments ne sont pas absents de "I Am Colossus" sorti sur l'album Koloss, et l'animation ne trahit rien! À conseiller pour les amateurs d'horreur à penchant mystique, on y voit des nonnes démoniaque tourmenter des êtres vulnérables pour livrer leur âme en pâture à un gigantesque homoncule. Encore une fois on peut imaginer à travers cette vidéo un regard très critique et horrifié sur l'humanité perdue dans un mysticisme meurtrier, une vision du monde grossie, où tout est laid, difforme, et servile.
(Portal - Curtain)
On parlait avec The Vision Bleak de lire pour se faire peur quand on est un enfant. Mais les adultes aussi lisent pour se faire peur. Après avoir lu Edgar Allan Poe, les Australiens de Portal se sont dis qu'ils allaient pousser l'expérience plus loin, en réalisant le clip de leur morceau "Curtain" en stop-motion. Rien dans ce clip ne permet de faire baisser la tension: ni la musique lancinante, ni le grain de l'image, ni les marionnettes. En ce sens le clip est une vraie prouesse de matérialisation de cauchemar; nos fantasmes les plus vils s'y retrouve rassemblés, et l'horreur est tellement sans issue que la seule chose à laquelle on est amené à s'identifier, c'est une figure hideuse, humaine à peu de chose près, au visage ravagé par la terreur.
(Korn - A Different World)
On termine cette sélection avec un dernier délire glauque et proprement surréaliste qui dénote encore de la liberté apportée par l'animation. On suit un poupon difforme dans une coquille d'escargot parcourant un monde rempli de créatures carnassières en col blanc, à la poursuite d'une lumière chatoyante menant tout droit à l'antre d'un monstre vorace. Qui a dit "critique sociale" ?