Qu'est-ce qui décide de l'impact d'une Å“uvre sur les foules ? Comment se construit le succès d'un média, et sa capacité à se maintenir d'année en année comme un succès ? S'agit-il de la boîte de production ? De la distribution ? Des acteurs ? Du réalisateur ? Ou parfois tout simplement d'une sorte de coche attrapé à temps.
Je n'ai pas la réponse, car pour tout vous dire, je suis surpris que le sujet du jour n'ait pas marqué l'histoire que ça, tant d'un point de vue cinématographique que musical.
Le film d'abord ! La Nuit du Jugement est un film Américain sorti en 1993, réalisé par Stephen Hopkins, et distribué par Universal. En tête de l'affiche, on retrouve Emilio Estevez, Cuba Gooding Jr, Denis Leary et Stephen Dorff, tous à un moment de leur carrière respective où ils n'ont pas fait grand chose, mais ça aurait pu suffire : Estevez était déjà apparu dans Breakfast Club et Maximum Overdrive, qui ont obtenu une certaine reconnaissance à travers les années, Denis Leary apparaissait la même année que Judgment Night dans Demolition Man, Cuba Gooding Jr était à l'affiche de Boyz N the Hood, on retrouvait même le rappeur Everlast qui avait sorti son premier album chez Warner Bros trois ans plus tôt. En terme de films à grande audience, ce genre de casting quoi que loin de bénéficier d'un quelconque star-power, avait un certain potentiel. Le réalisateur lui-même avait un certain potentiel auprès des fans de cinéma de genre notamment, parce qu'il avait sur son CV Les Griffes de la Nuit 5 : L'enfant du Cauchemar, ni adulé ni détesté, qui a parfois même un petit côté madeleine de Proust chez certains fans de la saga ; mais aussi Predator 2, qui s'il est très loin d'avoir marqué l'histoire autant que son prédécesseur, a eu un certain succès et a été distribué massivement.
Ajoutons à cela qu'Hopkins était le réalisateur pour la deuxième équipe d'Highlander de Mulcahy, et le réalisateur Dangerous Game, non seulement sa présence aurait pu attirer les fans, mais le fait qu'il se lance dans La Nuit du Jugement ne présentait pas spécialement de quoi s'inquiéter pour la production : le réalisateur se lance pour la première fois dans le thriller d'action, un genre qu'il n'a jamais encore pratiqué, mais qui n'est pas très éloigné de ce qu'il a l'habitude de faire.
Pour tout dire, j'ai trouvé le film plutôt bon en tant que blockbuster ; c'est un film qui ne révolutionne pas le cinéma, mais qui a de nombreuses qualités. Entre autres, faute de crever l'écran, le casting est crédible, les personnages sont cohérents, l'action est plutôt vraisemblable, ne tombe jamais dans le ridicule, les effets spéciaux sont eux aussi économes, propres ; et certains motifs souvent caricaturaux du cinéma d'action (comme le "mode Berserk" du protagoniste) sont utilisés avec mesure ce qui ne nous sort pas du visionnage.
Le film a même pas mal de style au niveau de la réalisation, sait véritablement faire naître le suspense, arrive à appuyer ses ambiances... Encore une fois, rien de novateur, mais somme toute du travail bien fait sur le papier et sur la pellicule.
Je dirais même que le film évite certains clichés de films d'actions bas du front qui auraient pu le desservir : les rares personnages féminins sont des personnages de femmes fortes, le film ne joue pas sur des clichés racistes, les personnages ne sont pas des brutes athlétiques et bodybuildées.
Hopkins s'en sort donc avec un opus tout à fait convenable qui aura coûté, par comparaison, presque deux fois moins cher que le premier Die Hard et plus de trois fois moins que le second, le tout en ne rentrant pas dans ses frais au box-office.
Je me disais qu'il fallait dans un premier temps rendre justice à ce film mal aimé, mais si vous croyez qu'il s'agit là d'une simple défense de film obscure, attendez de voir ce qui suit !
Un autre point fort du film, c'est que toute la partie orchestrale de la bande-originale a été confié à Alan Silvestri, ténor de la discipline dont beaucoup d'entre vous doivent connaître le nom et la renommée. Mais accrochez-vous, ce n'est toujours pas ce qu'il y a de plus énorme avec ce film.
Là où on va frôler le divin, c'est que pour compléter la bande-originale du film une compilation de musique moderne a été faite, dont certains titres apparaissent dans le film... et d'autres pas. Cette compilation comprend, sur chacun de ses titres, la rencontre, parfois improbable, entre des groupes de Rock ou Metal ET des légendes du Hip Hop, bossant ensemble sur des morceaux d'anthologie. Pêle-mêle vous pourrez y entre Cypress Hill avec Pearl Jam, Ice-T avec Slayer, Onyx avec Biohazard, Run DMC avec Living Colour, Boo-Ya T.R.I.B.E et Faith No More, et je ne vous dit pas tout, mais il y a de quoi fourmiller d'excitation avec une playlist pareille. Au total onze titres tous très différents mais vraiment bons chacun à leur façon.
D'une part on a là de quoi secouer le cocotier de quelques puristes notoires (Kerry King compris, qui, quand il cherchait des noises à Robb Flynn pour avoir soi-disant "favorisé le Rap Metal" avait surement oublié de se souvenir qu'il avait fait un solo sur un morceau des Beasties Boys, et, en l'occurrence, travaillé avec Ice-T, figure de proue de l'hybridation Metal/ Hip Hop), mais on a plus encore un produit résolument magistral, avec des morceaux cultes, certains véritablement violents et tout à fait capables de faire mosher. Je vais avoir l'air gnangnan en disant ça, mais les deux styles, ici, travaillaient ensemble, avec ouverture d'esprit, vers une vision commune, et bon sang, ça marche du tonnerre !
Du coup, foncez voir le film, parce qu'il le mérite, et foncez écouter cette compile complètement dingue, parce que vous le devez !