Le Metal POUR les Enfants

Chers amis, je vais vous faire une confidence : je suis arrivé au cinéma d'horreur relativement tard par rapport à beaucoup de gens. Comprenez-moi bien, j'ai toujours été fasciné par les monstres, l'obscurité, et le fantastique. L'une des raisons qui font par exemple que Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban et le meilleur film de la saga (non non, ce n'est pas une opinion, c'est un fait avéré. Honni soit qui mal y pense, et par la pointe de l'épée se défende !), c'est que dedans il y a des détraqueurs, un loup-garou, des animagus, des hippogriffes, bref, pas mal de noirceur, beaucoup de bestioles, et de la magie qui déchire. Forcément, j'y étais sensible. Ce que je veux dire, c'est que mes parents se sont toujours débrouillés pour que je ne vois pas trop tôt certaines choses. J'ai vu Shining à treize ans, Le Silence des Agneaux à seize. Je vous laisse imaginer le reste. Comparé à certaines personnes, c'est assez tard : déjà à l'école primaire j'entendais parler d'Horribilis, Fright Night, Dog Soldiers et L'Exorciste en ne comprenant pas trop de quoi on me parlait, à part que c'était "super flippant".

Vous vous demandez "Comment se fait-il que je vous parle de cinéma alors que je parle de Metal pour enfant dans le titre ?" Vous allez voir, tout est lié. Si vous me demandez mon avis, je suis plutôt en phase avec ce qu'ont fait mes parents. Je pense que le cinéma d'horreur n'est généralement pas adapté pour les enfants. Et peu ou proue, il en va de même pour le Metal, à mon humble avis, et pour plusieurs raisons. Attention, pour le coup, je m'éloigne du plan purement musical, pour m'attacher plus au plan thématique.

D'une part, je pense tout simplement que le Metal, dans la grande majorité des cas, ne s'adresse pas aux enfants. Aux ados, oui, aux jeunes adultes, forcément, aux plus vieux, aussi, mais les enfants, pas tellement. Pour peu que les chansons délivrent des messages, c'est très rare qu'un enfant trop jeune puisse effectivement s'y identifier, tout simplement parce qu'il ne sera pas assez mature, et impliqué dans le monde des adultes, pour comprendre. Il y a comme un goût de pas assez tant au niveau culturel que philosophique, politique, ou social. Il est assez peu probable qu'un enfant se sente concerné par les paroles d'"Anthem" d'Iced Earth, de "Purity" de Slipknot, de "Versipelis" de Benighted ou de "Freezing Moon" de Mayhem. Le Metal est alors plus perçu comme une musique qui sonne très fort, avec des drôles de types poilus qui bougent dans tous les sens (je caricature à peine). C'est déjà pas mal me direz-vous, pas de quoi se priver s'il ne s'agit que de ça, mais ça n'est pas là que ma réflexion s'arrête.

La deuxième part de cette réflexion, c'est que quand on est enfant, non seulement on n'est pas tout à fait fini au niveau de la construction de ses goûts artistiques, mais en plus, on n'a pas tout à fait acquis le recul nécessaire pour assimiler certaines subtilités. J'en prends pour preuve qu'on a à peu près tous en tête un film ou une série qu'on a trouvé extraordinaire étant gamin, et qu'on n'aime plus trop une fois adulte, parce qu'on a entre temps affuté notre jugement. C'est ce qui fait que j'étais assez friand des séries animées Pokémon, Code Lyoko, ou Olive et Tom, et qu'aujourd'hui je m'ennuie vite au bout de quelques épisodes de ces séries.

De la même façon j'étais assez fan de Diam's étant plus jeune, et ça m'est totalement passé. Un enfant qui dit qu'il aime une musique, jusqu'à un certain âge, ça ne veut pas dire grand chose.

Quant au manque de recul, c'est notamment au niveau de la perception des textes et de l'imagerie du Metal le plus extrême que la cassure entre en jeu : un enfant qui regarde Funny Games ou lit à hautes voix les paroles de Make Them Suffer de Cannibal Corpse ne sera probablement pas capable de saisir à juste titre ce qu'il expérimente. On prend alors le risque qu'il prenne les choses au premier degré, ce qui pourrait l'effrayer, et dans tous les cas lui donner une mauvaise grille de lecture. Parce qu'il faudrait être totalement perdu pour prendre du Cannibal Corpse au premier degré. Ce que je vous dis vous choque peut-être, mais je me dis que ce serait beaucoup plus naturel avec d'autres films moins violents, paradoxalement : personne n'aurait l'idée de montrer 2001 l'Odyssée de l'Espace à un enfant, ou Everywhere at the End of Time de The Caretaker, ou Le Festin Nu de William S. Burroughs ; parce qu'on serait pleinement conscient qu'un enfant n'y comprendrait pas grand chose, qu'il serait potentiellement totalement ennuyé, ou confus. Désolé les amis, même si c'est très cartoon, Gwar, ça n'est pas pour les gosses, Burzum non plus (sauf "Rundgang..." , parce qu'il ne faut pas déconner !) La dernière preuve de tout ça, c'est que même au collège, où ça commençait à être la bonne période pour s'y mettre, et qu'on écoutait Black Bomb A avec les potes en cours de techno, tout ce que les trois quarts des gens retenaient du Metal c'est "Marilyn Manson, hé ben j'ai un ami qui m'a dit qu'il s'était enlevé deux côtes pour se faire des gâteries tout seul, et qu'il tue des chatons à chaque concerts." Rien compris je vous dis.

Du coup qu'est-ce qu'on fait ? On arrête tout ? Machine arrière ? Mais non. Je le répète, vous faites ce que vous voulez avec vos gamins, encore une fois, beaucoup de choses s'écoutent sans aucun problème du riffing aux paroles, simplement, faites comme Dee Snider, protégez-les un minimum, notamment des textes, ayez une écoute un peu consciente, et pour le reste, vous avez également une solution toute trouvée : le Metal pour enfant.

Et je sais que ça ferait gueuler tous les vieux briscards qui se prennent pour des Hell's Angels, mais après tout c'est d'une logique imparable : pourquoi le Metal ne pourrait-il pas s'adresser aux enfants ? Le Rock et la variété le font bien, même la trap peut s'inviter dans les salles de classes. Le Metal serait-il trop supérieur et suffisant pour ne pas se bâtir des disciples du plus jeune âge ? En les habituant à du son distordu tout en leur proposant des choses qui leur parlent ?

Le fait est qu'il y a une offre dans cette gamme. Je vais passer rapidement sur les vieux chanteurs pour enfants reconvertis en métalleux, comme Henri Dès mais surtout Bernard Minet, vous les connaissez déjà , et les gens ont assez dit de mal dessus (si vous tenez à avoir mon opinion sur la question : j'aime bien, j'ai même acheté les skeuds. Na). Je ne vous parlerai pas non plus des stars du Metal qui s'invitent dans des programmes pour enfant, comme Alice Cooper dans le Muppet Show ou Kiss chez Scooby-Doo, Evil Ted, notre plus diabolique et pelucheux ami nous en a déjà parlé sous toutes les coutures. Je ne parlerai même pas de Babymetal, parce qu'en fait, il n'y a d'enfantin dans Babymetal que ce qui fait durcir les satyres du dimanche. "Gimme Chocolate" est mignonne, je vous l'accorde, mais "Megitsune" ou "Road to Resistance", ce n'est pas pour les gamins ! Lisez les paroles.

Non, aujourd'hui je vais surtout mettre en avant trois groupes qui ont donné pour un Metal digne de ce nom destiné aux plus jeunes : Hevisaurus, Woodland Prattlers et Sharky Sharky.

Respectivement originaires de Finlande, du Canada et du Royaume-Unis, ces groupes, donnant tous plus ou moins dans le Heavy/Power épique, ont compris comment réussir le pari de faire du Metal pour enfant : ils ont pris la chose au sérieux. Parce que le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'arnaque pas le client : pour rappel, il y a des membres de Thunderstone et Soulcage dans Hevisaurus, des membres de Ascension chez Sharky Sharky, bref, des gens qui prennent le Metal au sérieux de base. Au niveau de la composition, ça se ressent : on a du riffing solide, de la virtuosité (je défie les Shredders du dimanche de jouer du Sharky Sharky) des mélodies bien senties, des arrangements travaillés, et une narration musicale bien huilée. Les trois groupes dont je vous parle font adhérer leur public avec de la vraie bonne musique (pas besoin d'avoir moins de douze ans pour les aimer), et en leur racontant des histoires. C'est un détail qui vous saute aux oreilles en écoutant Woodland Prattlers : c'est lo-fi, garage, pas super bien produit, mais la grosse influence Dungeon Synth dans les arrangements fait qu'on se figure tout de suite dans quel univers imaginaire se situe la création. C'est fou ça d'ailleurs, on a même de quoi s'entraîner aux production garage avec du Metal pour enfant...

Et tout cela, bien-sûr, avec des textes adaptés, qui font un peu rêver les p'tits loups, entre invasions extraterrestre, dinosaures mutants, requin truculents, animaux de la forêt... Après tout, est-ce que la clé du truc, ça n'est pas de faire rêver son auditoire ? Est-ce que nous même en tant qu'adulte auditeur, on ne se jette par sur In The Nightside Eclipse ou Symphony of Enchanted Lands parce que ça nous fait rêver ? Est-ce qu'on n'a jamais fait hurler dans les baffles notre chanson préférée pour se sentir vivant ? J'exalte un peu, j'en conviens, mais bien-sûr que c'est vrai ! À quoi bon aimer Hammerfall si ça ne vous fait pas rêver ? Je pense aussi à tous ces Blackeux qui se donnent des noms de démons bien kitchs avec des titres de noblesse sur les réseau sociaux ; ces fans de Pagan qui s'achètent des sarouels, se coiffent avec des atebas et se retrouvent au premier rang devant Boisson Divine. Je pense aussi, avec beaucoup de tendresse, à tous ces gens qui essayent de devenir quelqu'un en s'achetant une guitare, et en commençant à faire du bruit. Tout ce folklore c'est ce qui nous sort de notre quotidien merdique d'être humain standard, et on y est, peu ou proue, plus réceptifs qu'on ne veut bien l'admettre. Bien-sûr qu'on rêvasse avec le Metal, et ce n'est pas mièvre de le dire, alors pourquoi pas les enfants, avec quelques chose qui leur ressemble, dont ils pourront chanter les paroles ? Quoiqu'il arrive, ces mêmes enfants un jour deviendront les futurs fans d'aujourd'hui. Le rêve ne nous abandonne jamais. Il aura fallu un adulte comme Tuomas Holopainen pour sortir un album concept sur l'oncle Picsou, et il aura fallu un génie complètement fou par avoir Ziltoid the Omniscient. Autant commencer à secouer la tête tôt, et avec des arguments.

La dernière chose que je dirai pour défendre cette évolution chronologique de l'écoute, c'est qu'en faisant ainsi, on préserve encore un peu l'adrénaline de la découverte, et elle nous apparaît comme quelque chose d'hors normes. Je m'explique : quand j'ai vu Shining pour la première fois, j'attendais ce moment de pied ferme en me disant que j'allais avoir peur. à‡a n'a pas loupé, j'ai eu peur, mais c'était extrêmement positif, parce que ça comblait mes attentes, et parce qu'il y avait comme l'impression de braver un interdit. De la même façon, plus je m'enfonçais dans les choses extrêmes, irrévérencieuses et sombres du Metal, plus j'avais l'impression d'apprivoiser quelque chose de malfamé. Et je sais que beaucoup de gens sont très attachés à ce côté "dangereux" du Metal. Même si mon avis sur la question est un peu plus nuancé, je pense qu'on peut préserver cette aura par une évolution progressive.

Pensez-y chers amis avant de baver sur Bernard Minet, et foncez écouter en boucle Hevisaurus. Et encore une fois, retenez bien que je ne suis pas là pour inciter à quoi que ce soit. Je vous donne juste un avis.

La dernière chose que je dirai pour défendre cette évolution chronologique de l'écoute, c'est qu'en faisant ainsi, on préserve encore un peu l'adrénaline de la découverte, et elle nous apparaît comme quelque chose d'hors normes. Je m'explique : quand j'ai vu Shining pour la première fois, j'attendais ce moment de pied ferme en me disant que j'allais avoir peur. à‡a n'a pas loupé, j'ai eu peur, mais c'était extrêmement positif, parce que ça comblait mes attentes, et parce qu'il y avait comme l'impression de braver un interdit. De la même façon, plus je m'enfonçais dans les choses extrêmes, irrévérencieuses et sombres du Metal, plus j'avais l'impression d'apprivoiser quelque chose de malfamé. Et je sais que beaucoup de gens sont très attachés à ce côté "dangereux" du Metal. Même si mon avis sur la question est un peu plus nuancé, je pense qu'on peut préserver cette aura par une évolution progressive.