Godzilla : Half Century War de James Stokoe

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Verveneyel

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17 mars 2024

" "I am become death, the destroyer of worlds" "

Depuis l’hiver dernier, le cœur du monde bat pour Godzilla, et ce n’est pas nous qui allons nous plaindre. Bien loin d’être des experts, quoique ne rechignant pas un petit "Godzilla : Final Wars" de temps en temps, mon ami Evil Ted et moi-même on est allé, comme vous tous, voir "Godzilla Minus One" en 4DX chez Pathé.


 

Il va de soi que l’expérience nous a marqué profondément ; et quelques jours plus tard nous prolongions l’expérience et le sentiment de bonne surprise avec "Shin Godzilla" en cadeau avec Mad Movies.


 

Parti sur cette lancée, j’ai traîné mes oreilles pendant quelques jours sur des podcasts qui faisaient le tour des différentes ères du monstre géant, j’ai dévoré le roman original de 1954. Bref, je me réveillais le matin avec le rugissement mythique du reptile dans la tête, et il m’accompagnait.


 

Et puis, mon ami Evil Ted, qui n’est pas le moins lettré des nounours de me glisser entre les mains "The Half Century War", une bande-dessinée de James Stokoe, qui m’a ravie, et qui vous ravira probablement bien plus que le plantage annoncé du prochain Godzilla made in USA.


 

L’intrigue est pour commencer très intéressante, malgré le fait que le livre soit un one-shot assez court : on suit la vie d’un soldat Japonais en patrouille qui survit avec son camarade à la première attaque du roi des monstres, après une course de char endiablée. Suite à cet exploit, un programme militaire international nommé l’AMF se rapproche des deux compères et leur propose de devenir chasseur de monstre à plein temps, une épopée qui va occuper cinquante ans de leur vie, mais aussi fortement l’éroder.


 

Peu d’histoires de Kaiju Eiga s’étalent sur une telle temporalité ; préférant en général l’espace de quelques jours, quelques semaines tout au mieux, durant lesquelles Godzilla pointe le bout de son nez, saccage tout jusqu’à ce qu’on comprenne pourquoi, avant de gagner un duel épique et de retourner dans la mer. Ici, la confrontation au monstre dure, ce qui amène un atout fort de l’histoire : c’est un récit dur, grave, et pessimiste. En ce sens il est différent de "Minus One" qui, s’il porte lui aussi une certaine gravité, est coloré d’espoir. "Half Century War", c’est une histoire de vanité, de résilience, et d’épuisement ; dans laquelle on met un accent tout particulier sur la destruction. Rarement a-t-on eu autant l’impression que les monstres du godzi-gang réduisaient le monde en bouilli ; rarement a-t-on été si proche d’une fin du monde pure et simple, tragique et ineluctable.


 

Pour poursuivre avec une question simple et bas-du-front, est-ce qu’il y a des monstres dans ce p’tit illustré sinistre ? Pas qu’un peu ! Vous avez du choix ! Pas de Biolantah à l’horizon, mais Anguirus, Rodan, Mothra, Battra, Ebirah, Hedorah, Gigan, King Gidorah, Space Godzilla, et Mecha Godzilla ; vont croiser les crocs avec le roi des rois ; et vous vous doutez bien que ça va contribuer à l’incroyable bazar contre lequel l’humanité va pendant des années donner des coups d’épée dans l’eau, en attendant sans résignation l’effondrement de tout.


 

Graphiquement on peut noter un contraste assez saisissant entre la représentation des humains, qui est un peu cartoonesque, avec des détails suffisant mais quelque part assez simples ; et les images d’attaque de kaiju, complètement surchargées de détails qui donnent place nette à l’horreur.


 

"Half-Century War" est un très bon élément de la longue carrière du lézard. Bien-sûr, on peut regretter que le récit soit court. Il l’est, et vu sa justesse dans le traitement de son propos, on aurait pu en espérer davantage dans le développement psychologique de ses personnages ; précisément parce que le peu qu’on lit est très bon. À plus forte raison pour une œuvre nord-américaine, "Half-Century War" montre une compréhension profonde d’une facette du mythe Godzilla. On referme le livre avec le sentiment que l’idée qu’on se faisait du monstre n’a pas été trahie, mais bien nourrie. Hollywood ne peut pas en dire autant.