Dalek

Dans les branches du Hip-Hop, il y a quelque chose de bien plus sinistre, quelque chose qui ne peut que marginalement être appelé "hip-hop". Il se nomme Dà¤lek, et son domaine n'est pas l'enfer sur terre de Mobb Deep. Il vient d'une autre planète. Pour situer un peu, nous sommes à la frontière du terrorisme émotionnelle.

Vous avez déjà entendu l'expression "le capitalisme engendre l'innovation" - dans le cas de Dà¤lek, c'est l'obscurité qui engendre l'innovation - et il n'y a pas de blabla wesh ma gueule, c'est la galère dans la téci, je suis foncedé avec mon blunt 4 feuilles... Dà¤lek a propulsé le rap dans un tout nouveau royaume étrange, où la musique ne ressemble en rien aux rythmes et aux rimes que nous connaissons. Le producteur Oktopus a combiné des rythmes gras, renforcés par cette saturation de sons, avec des samples chaotiques qui semblent tout droit sortis d'un des jams bruitistes de Sonic Youth.

Mécontent sur le plan personnel, mais pas sur le plan artistique, le groupe de hip-hop expérimental a enfanté cet album en 2005. Absence est né, au cÅ“ur de l'occupation de l'Irak par les à‰tats-Unis, soit l'hostilité la plus calamiteuse qui a donné naissance à ce son sombre, inventif et industrialisé qui allait surpasser les débuts du style.

Dà¤lek, ne s'occupe pas des soirées hip-hop bling bling, utilise cette catégorie avec parcimonie, sauf si tu veux voir ton propre foie devant tes yeux. Ce que le trio fait, c'est de créer des paysages sonores apocalyptiques et cracher du venin dessus. MC Dà¤lek le frontman est lui-même loin d'être la star de ce brûlot. Autant les expérimentateurs comme Madvillain avaient repensé l'équilibre entre le flow des mots et les beats, autant Dà¤lek, tout en invitant de la même manière à une fusion, a permis à ses instrumentaux de se soustraire de manière impensable à ces chemins tortueux, pour en créer une branche plus abrupte.

Prends donc ces bruits sourd qui dominent Absence depuis le début, et laisse toi emporter dans cette architecture du chaos, enfin presque, puisque le premier morceau, " Distorted Prose ", commence A cappella.

â€œBroke stride as last of men realized their deep deceit/

this troubling advance of half-assed crews crowd these streets/

never mind of who I am, son, just listen when I speak/

broken paragraphs hold wrath of a hundred million deepâ€

Mais à partir de là , c'est tout l'essence même de ce grind (rythme dans ce contexte-là ), qui vient percuter ta carcasse, Oktopus démarre une boucle psycho et distordue que l'on ne peut qu'attendre de cet alchimiste musical.

Cet abattoir à toit ouvert, dont ces loops hypnotiques et incessants vont réduire certains auditeurs en bouillie dès la troisième piste, ne doivent pas vous pousser dans une forme de mal être. " Culture For Dollars " n'est pas la tracks la plus happy sur cette terre, mais les personnes peu sûres d'elles, sont invitées à persister, car des rayons de lumière percent la morosité à plusieurs reprises. Le morceau phare de cet album, " Ever Sombre ", est un tel moment de peinture sonore, avec ce drone de guitare à la « My Bloody Valentine » qui se heurte de plein fouet à des flows détendus et à des rythmes tamisés. Une telle comparaison n'est pas aussi folle qu'il n'y paraît, une grande partie d'Absence a plus en commun avec la musique rock qu'avec le rap ou le hip-hop, même si les aficionados de ces styles devraient trouver la prose distordue de Dà¤lek aussi dévorante que celle de Aesop Rock.

Alors bien ? Ou bien cet album de Dà¤lek ?

Abscence est rempli de haine pure à l'égard des politiques modernes, en particulier la commercialisation complète de la culture noire stéréotypée au States. Combinant ce mélange unique de shoegaze à la Jesus And Mary Chain, la folie post-indus de This Heat et un Hip/Hardcore jamais vu depuis l'époque de Public Enemy, Dà¤lek s'est fait un nom comme l'un des groupes de noise/hip-hop les plus sous-estimés à ce jour. Album difficile d'accès à tout point de vue. Si les sons dark échantillonnés et les ambiances éparses ne font pas le bonheur de la plupart des fans de musique grand public, Absence sera un rayon de lumière pour ceux qui apprécient les sensibilités de l'abstrakt et les paysages sonores post-industriels.

Réjouissez-vous tant que vous le puissiez, car il y a un mal intrinsèque ici. Lorsqu'il s'échappera, nous descendrons tous dans cet enfer que nous cimentons un peu plus chaque jour... Ce n'est que le début.

Absence

10 titres en 57 minutes

Sorti le 8 Fevrier 2005

Industrial Hip Hop Abstrakt Noise Rock EXP

Produit par MC dà¤lek, Oktopus & Still