AVANT-PROPOS :
Pour le tout jeune webzine que nous sommes, il y a des choses qui comptent. Et en l'occurrence, avoir dans nos premières interview un gros bonnet du Metal Français comme Crass, chanteur de Boost et Crusher (et bien d'autres groupes par le passé), c'est quelque chose qui comptent. Pour tout vous dire, c'est un peu un rêve de gosse qui se réalise, parce qu'à l'échelle de la scène Death Metal Française, beaucoup de gens adorent Loudblast, d'autres Massacra, d'autres Mercyless, d'autres Agressor, on pourrait y passer la nuit ; hé ben moi, le groupe de Death Français qui me rend le plus cinglé, figurez-vous que c'est Crusher !
À travers cette interview vous aurez droit à un portrait sincère du bonhomme (ainsi qu'une petite apparition de Jean-Yves de la brasserie de Framont à Grandfontaine, dans le 67), qui n'a pas sa langue dans sa poche, et j'espère de tout coeur que ça vous plaira.
Verveneyel.
POUR COMMENCER, COMMENT à‡A VA ?
Crass : à‡a va comme tous les gens du spectacle. C'est à dire que c'est la merde totale. Là avec moi par exemple j'ai Jean-Yves de la brasserie du Framont, qui est un activiste, qui brasse sa propre bière, et qui organise des concerts parfois contre la loi. C'est chez lui que Boost a fait son seul concert pour la tournée de l'album, pour le reste on a eu une quarantaine de dates annulées. Il a pris le risque, parce que si la police arrivait pendant le concert on était tous dans la merde. Mais on l'a fait quand même. à‡a ressemblait plus à une répèt' améliorée avec des copains, mais ça a fait du bien à tout le groupe parce qu'on a tourné le clip (disponible dimanche 01/11) la veille.
JUSTEMENT JEAN-YVES, VOUS AVEZ DEJA EU DES PROBLEMES AVEC LA POLICE LORS DE VOS ACTIONS ?
Jean-Yves : Non, je n'ai pas à me plaindre. Les seules fois où j'ai été emmerdé c'est quand j'avais fait des conneries. On ne m'a pas emmerdé pour les concerts. Par contre donc j'ai eu Boost, la semaine qui a suivi j'avais Reverend Beat-Man, j'ai du le faire dans mon salon en appart' privé, parce que l'amende passait de 2 500€ à 10 000€. Donc risquer mes couilles pour 2 500, pourquoi pas, mais pour 10 000, ça faisait un peu lourd, même si on se marre bien avec du Rock N'Roll. Si j'avais été rentier j'en n'aurais rien eu à foutre, mais là , bon...
SURTOUT QUE J'IMAGINE QU'AVEC LE NOUVEAU COUVRE FEU, VOUS ALLEZ Y LAISSER DES PLUMES...
Normalement ce week-end je devais avoir une soirée Rockabilly/Psychobilly, mais ça voudrait dire "faire dormir cinquante personnes chez moi". C'est dur. Ce serait l'été, sans problème, mais là c'est l'hiver, en plus chez moi c'est un peu à l'ancienne, ils vont avoir froid quoi. Après on fait ce qu'on peut, moi je fais ça pour le kiff, je ne récupère pas d'argent sur les concerts. Pendant les temps où je pouvais moins communiquer à cause du confinement, je mettais de ma poche pour continuer à envoyer du son.
C'EST COURAGEUX PAR LES TEMPS QUI COURENT...
Courageux ou stupide, ça c'est à toi de voir.
Crass : Je suis témoin, il fait partie des rares personnes sur qui tu peux compter. Dans la vallée paumée où il est...
Jean-Yves : Hé ho!
Crass : ... dans la vallée perdue où il est il se bat vraiment. Il a organisé des concerts, et plein de choses incroyables dans un endroit mort à la base. Sans lui il n'y aurait rien. Donc c'est important de soutenir ces gens là .
POUR REVENIR À TON ACTUALITE, CRASS, Oà™ EN SONT TES PROJETS EN CE MOMENT ?
Boost, l'album est sorti malheureusement pendant le confinement. Toute la tournée de promo, on se l'est prise dans le cul jusqu'aux amygdales, et là pour l'instant la seule date maintenue c'était notre pote. Pour nous c'était plus faire la fête chez un pote qu'un vrai concert, et c'était très chouette, mais c'est la seule chose qui s'est maintenue. On a fait une super grosse fête, après le tournage du clip, c'était le seul moment où le groupe pouvait se retrouver au complet un week-end, ce qui est très triste. Je fais de la musique depuis 1987, je suis professionnel depuis ce temps là , et c'est la première fois de ma vie que je passe plus d'un an sans partir en tournée. Donc je me sens mis en cage, je commence un peu à devenir fou, et le fait d'avoir pu jouer à la brasserie du Framont, c'était un moment incroyable dont le groupe se souviendra, ça nous a fait du bien d'être ensemble et Jean-Yves a fait en sorte qu'on passe un moment unique. à‡a paraît débile pour plein de gens, mais le fait de se retrouver tous ensemble un week-end, pour un groupe, de bouger ensemble, dormir ensemble, vivre ensemble, c'est tout ce qu'on aspire à faire quand on est un groupe. Et je veux dire un vrai groupe, pas comme certains dont je ne citerai pas le nom qui sont commerciaux, et qui sont d'abord une entreprise. Je parle de vrais groupes comme Boost et Crusher peuvent l'être ; même si avec Crusher c'est un peu différent parce que c'est un peu plus pro, et le batteur habite à Nice, le guitariste en Normandie, le bassiste en Moselle, moi en Alsace... C'et un peu différent, mais le schéma reste le même. On est des potes et le but c'est de s'amuser, même si ça nous fait vivre à la base. Moi ça ne me fait plus vivre depuis longtemps, et c'est beaucoup plus difficile.
COMMENT AS-TU OCCUPE TON CONFINEMENT ?
J'ai déprimé, comme tout le monde. J'ai complètement déprimé, et ça a été très difficile dans la mesure où on a travaillé à distance avec Boost et Crusher. Pourtant chez Boost on a trois membres qui habitent à cent mètres de distances : le batteur, l'autre chanteur Massimo, et moi, on habite à cent, cent cinquante mètres les uns des autres, le guitariste habite à quarante kilomètres et le bassiste habite à six kilomètres. Donc on aurais pu se retrouver, on aurait pu faire avancer les choses. Là par exemple, et c'est une exclu que je te donne, on est en train de réfléchir à faire l'album en acoustique pour jouer dans des endroits où normalement on ne pourrais pas jouer en électrique. On essaye d'étudier toutes le possibilités pour pouvoir jouer, parce qu'on en a besoin. Les gens ne se rendent pas compte à quel point quand c'est ta vie, ta passion, et en même temps ton métier, à quel point ça peut manquer.
L'ALBUM DE BOOST A EU DE TRES BONS RETOURS, CE QUI DOIT àŠTRE ENCORE PLUS FRUSTRANT...
Oui, on a eu des retours merveilleux, et ça me touche beaucoup. Cet album on y a mis du cÅ“ur. Donc c'est compliqué. On en chie. Je suis passé d'intermittent du spectacle où je gagnais très bien ma vie au RSA avec un dossier bloqué, ce qui ne laisse rien entrevoir de bon. J'ai plein d'amis dans la même situation. On n'a jamais vu ça.
EN PLUS à‡A ARRIVE ALORS QUE SUR CES CINQ DERNIàˆRES ANNEES TU AS RESUSCITE DEUX ANCIENS PROJETS. QU'EST-CE QUI T'A FAIT REVENIR SUR CES PROJETS-LÀ ?
C'est rien de plus que l'insistance des gens sur facebook. Quoi qu'on en dise facebook est un outil formidable pour les gens comme moi ou pour n'importe quel métier artistique. C'est un endroit où tu peux faire ta comm et où tu récupères 80% de tes contrats ! 'Faut pas cracher dans la soupe. Pour moi facebook c'est un outil de travail. L'idée c'est de communiquer au maximum et de communiquer directement. Donc ça c'est une vraie chance qu'internet nous a apporté, même si en même temps internet a défoncé notre manière de gagner de l'argent (vente de disques, royalties), ça n'empêche qu'aujourd'hui un groupe débutant peut être écouté par des millions de gens en quelques minutes si la musique est bonne. Il faut être objectif. Facebook nous rend service même si on le critique beaucoup. Et donc ça fait des années qu'on me dit de faire revivre Boost et Crusher, parce que la musique c'est un cycle et que les gens ont envie maintenant de redécouvrir le Death Metal d'origine de Crusher et le Metal Fusion de Boost. Donc j'ai choisi, malheureusement, le mauvais moment pour le faire. Mais je l'ai fait avec plaisir. J'ai mis un moment à trouver la bonne équipe, mais maintenant j'ai les bons acolytes, et ça me tombe dessus. Mais après, tant pis, quand tu fais ça avec le coeur. Maintenant on sait, quand on est musicien professionnel, que vivre en faisant de la musique en France c'est quasi impossible. Donc on fait ça pour s'amuser, mais même ça on nous l'enlève. On nous enlève le droit de nous amuser et de faire plaisir aux gens.
Le week-end qu'on a passé à faire le clip était merveilleux, on a dormi dans des yourtes, ensemble. On a vécu l'enfer parce qu'il pleuvait à torrent, et on avait des prises de vue extérieures au drone. Finalement ça ne s'est pas fait mais pas grave, on a oublié le négatif parce qu'on était heureux d'être ensembles. Et finir le week-end chez mon pote à la brasserie du Framont, c'était l'apothéose. C'est triste qu'après trente ans, deux mille concerts, je ne sais combien de groupes et je ne sais combien d'albums, de me retrouver à être super heureux de passer un week-end avec mon groupe. Grâce à des amis en plus parce si je n'avais pas eu les contacts, on n'aurait pas eu accès au site, si Jean-Yves n'étais pas un pote, on n'auraient pas joué. Aujourd'hui il n'y a que le réseau qui peut te permettre de faire des choses. Je ne sais pas où on va mais on va droit dans le mur. C'est épuisant. Je te dis vraiment les choses comme elles sont. Pour nous la vie est vraiment triste.
POUR LA PRODUCTION DES ALBUMS, VOUS VOUS EN àŠTES SORTI FINANCIàˆREMENT ?
Pas du tout. L'album de Boost a été en quelque sorte auto-produit. On a un label, Mystyk Prod, à qui je tiens à rendre hommage, c'est un petit label. C'est Laurent Plainchamp avec qui j'ai travaillé sur le projet Kozh Dall Division, qui a fait des merveilles. Il a investi l'argent gagné dans le projet Kozh Dall, parce que le projet avait bien marché, pour produire des groupes. Les premiers groupes qu'il a voulu signer, c'était Crusher et Boost. J'étais très touché qu'il ait voulu signer mes deux groupes. Malheureusement pour Boost, ça s'est fait, mais pas pour Crusher. Le label n'a plus les épaules d'assumer un groupe comme Crusher. Ce qui fait que là avec Crusher, on est en train de finir l'album, qui devait sortir en début d'année, mais avec tout le retard qu'on a pris avec ce putain de virus, il devrait sortir en début d'année prochaine si tout va bien. On est en train de le finir. C'est notre bassiste James qui produit l'album parce qu'il a un super studio, et on produit vraiment nous même l'album.
Exactement ce qu'on a fait avec le Boost, on a travaillé avec le Psyrus Studio qui est merveilleux. Damien, le guitariste et leader de Dust In Mind, s'est occupé de la production de l'album de Boost. On est super contents du travail qu'il a fait et c'est encore une fois grâce aux copains qu'on arrive à avoir une bonne prod. Que les gens aiment ou pas, je m'en bats les couilles, nous on sait qu'on a fait de notre mieux, et que les gens aiment ou pas, on ne peut pas dire que c'est de la merde. Moi ça me suffit. Aujourd'hui la seule chose positive que je retiens de cette période, c'est qu'on revient à ce que j'ai connu dans les années 80 : le Do It Yourself. Soit t'as des amis, avec qui t'as été suffisamment cool, qui te tendent la main, et à qui t'as intérêt à rendre la pareille, soit t'as été con, tu te fais enculer, et démerde toi. Quand mon pote Jean-Yves m'a dit "T'en fais pas on va le faire quand même." pour moi c'est ça les gens qui ont des couilles et une parole. Là on prenait un risque parce que si les gendarmes arrivaient, lui il fermait administrativement et Boost était fiché comme un groupe qui casse les couilles. On l'a fait. Ce genre de gens mérite le respect. On est redevables, et on essayera d'être là quand ils auront besoin de nous. Il n'y a que comme ça que ça peut fonctionner. C'est la seule chose positive de ce putain de virus. Les gens vont comprendre que sans entraide on n'arrivera à rien.
SUR LE PLAN ARTISTIQUE, DANS QUEL ETAT D'ESPRIT TU TE METS POUR UN ALBUM DE BOOST OU DE CRUSHER ? PARCE QUE DANS CHACUN DES PROJETS ON DECOUVRE UNE FACETTE DIFFERENTE DE TOI.
C'est le but. L'histoire des deux groupes est liée dans le sens où Crusher s'est formé en 87/88, et on faisait de ce qu'il y avait de plus sauvage et de plus brutal à l'époque. Quand on s'est arrêté au bout de dix ans de tournée, à être vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble, c'était très compliqué. On avait tous des caractères de chien, on était tous des sacrés loustics. On venait tous de la rue, on était tous d'anciens Punks, et on a survécu au fait de vivre vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec une équipe de dix personnes. Au bout de dix ans on a pété un plomb et on a dit stop. On n'arrivait plus à se supporter donc on a fait une pause, et du coup moi j'avais besoin de faire une autre musique. Faire de la musique brutale et sauvage comme Crusher, c'est bien, mais quand tu grandis, tu vieillis, et tu muris. Tu as d'autres choses à raconter, et moi j'avais envie d'être chanteur, pas juste hurleur, tu vois ? [rire] Du coup j'ai monté Boost, avec un but précis : mélanger tous les styles de musique que j'aime. Et c'est exactement ce qu'on a fait. On a eu de la chance, Boost a marché très fort dès le début, mais voilà , les deux groupes sont liés. C'est d'ailleurs quelque chose qui est vital pour moi parce que dans un je peux être un vrai chanteur, avec Boost donc, et dans Crusher tout ce qu'on attend de moi c'est d'être le plus sauvage et le plus brutal possible. C'est un peu l'histoire de ma vie. [rire] À la maison, j'suis un mec gentil et adorable tant qu'on m'emmerde pas, et par contre j'peux devenir le mec le plus cruel et violent du monde si on me casse les couilles. C'est l'histoire de ma vie, et les deux projets pour moi sont liés.
ET MàŠME SI TU ES CHANTEUR SUR LES DEUX PROJETS, EST-CE QUE TU AS UN IMPACT SUR LA COMPOSITION ?
Complètement. Je suis le seul mec d'origine dans les deux groupes, tout doit obligatoirement passer par moi. Après, dans un des textes du dernier album de Boost, j'explique que j'ai réussi à créer ma propre démocratie. Chaque membre du groupe pourra te le dire, et dans Crusher aussi, je ne prends aucune décision sans leur avis, alors que je pourrais le faire. N'importe quel membre du groupe est membre à part entière et pour moi je suis leader uniquement quand il s'agit de parler en leur nom, comme ce que je fais là . Je ne suis pas un tyran. Je l'ai été à une époque, je ne le suis plus, et en aucun cas je ne dois imposer mes choix aux autres. Ils travaillent autant que moi dans le groupe voire plus. Par exemple dans Crusher, les morceaux qu'on a joué en live, moi je les ai joué entre deux et cinq mille fois. Eux ils les ont joué trente ou quarante fois. Dans Boost c'est pareil, pour certains membres du groupe, il y a des morceaux qu'ils écoutaient quand ils étaient adolescents. Et moi je les connais par coeur. Quand je les chante, je suis capable de penser à autre chose tellement c'est naturel.
Mais donc dans le groupe chacun a son mot à dire et c'est ma manière de créer une vraie démocratie.
ON LE VOIT NOTAMMENT DANS LA MUSIQUE PARCE QUE BOOST REGORGE D'INFLUENCE DIFFERENTES. QU'EST-CE QUI TOURNAIT SUR VOS PLATINES QUAND VOUS ECRIVIEZ CET ALBUM ?
On n'a jamais changé. En arrivant dans Boost les mecs n'étaient pas obligés d'écouter des choses différentes de leur habitudes. C'est le but de l'opération. Pour moi de base c'était une belle récréation, parce que je pouvais enfin chanter comme les fans de Crusher ne supporterait pas de m'entendre faire. Si je veux faire du lyrique, je fais du lyrique, si je veux faire les chÅ“urs de l'armée rouge, je fais les chÅ“urs de l'armée rouge. Je fais ce que je veux, c'est ma récréation. Et j'ai choisi chaque membre de Boost exactement dans cet été d'esprit là ! Des amis proches, des musiciens blindés de talents, et surtout qui ont des influences différentes. Quelqu'un qui n'écoute qu'un seul style de musique ne m'intéresse pas, pour jouer dans Boost, et il n'aura pas sa place s'il n'est pas capable de comprendre que dans le Jazz, le Blues, le Reggae, la Dub, le Hardcore, la Techno, l'Electro, dans n'importe quel style il y a des choses biens à prendre. On a le droit de jouer tout ça si on en a envie. Dans le premier album de Boost, on avait un morceau Dub. J'étais triste que ce soit celui qui marche le plus parce que ça ne ressemblait pas au groupe, mais on a réussi à rassembler sur le même titre les chanteurs de Mass Hysteria, No One Is Innocent, Lofofora, Treponem Pal, le scratcheur de Oneyed Jack... On a réussi à rassembler la scène Française autour de nous parce que les mecs pensaient que c'était ça l'avenir de la musique, et c'était des amis. Ce morceau évidemment a bien marché, mais ce n'était représentatif de ce qu'était vraiment Boost. Il n'y a aucune frontière, aucun style, on fait ce qu'on veut quand on veut, et dès lors que ça plaît aux gens, qu'ils viennent s'amuser avec nous. Si ça ne leur plaît pas, qu'ils aillent se faire enculer et puis c'est tout.
BOOST A GARDE AUSSI CE Cà”TE UN PEU SUPERGROUPE MàŠME MAINTENANT, AVEC DES MEMBRES QUI VIENNENT DE NOMBREUX PROJETS.
Le but c'est de montrer qu'on dépasse les frontières. D'avoir Polak, qui est guitariste chez Treponem Pal, c'est pas un barbapapa. Treponem Pal a inventé la musique industrielle dans le Metal, cités encore aujourd'hui par des très grands noms. Je suis toujours très proche de Marco, le chanteur de Treponem Pal que je connais depuis trente ans parce que j'organisais les premiers concerts de Treponem Pal dans les années 80 en Alsace. Quand j'ai vu Polak et qu'on est devenu amis, j'avais envie de le faire jouer dans Boost. La place de guitariste était déjà prise, mais il restait quelqu'un aux machines, Polak s'est mis aux machines et a tout appris en autodidacte parce qu'il voulait jouer avec Boost, et c'est lui qui fait toutes les machines de l'album, qui est avec nous dans le clip et qui sera en live avec nous. C'est une chance inouïe. Je vais avoir cinquante balais, je kiffe d'avoir un réseau pareil, des amis fidèles, c'est ce qui permet d'avoir une qualité de musique telle. On ne peut pas dire que c'est mal fait ou mal produit. On ne peut pas mettre en doute le travail et l'engagement du groupe et du staff.
TU M'AS DEJA DONNE QUELQUES PISTES, MAIS QUELLES VONT àŠTRE LES PROCHAINES ETAPES POUR BOOST ?
Comme tout le monde, on est dans l'expectative, on ne sait pas trop ce qui se passe. Avec Jean-Yves on parlait tout à l'heure : il a une salle de spectacle, il ne sait pas s'il peut l'utiliser, et comment il peut l'utiliser. Nous côté musicien, toutes nos dates étant annulées l'une derrière l'autre, on ne sait pas où on va. La seule chose qu'on se dit c'est qu'il faut peut-être se diversifier. Là à l'heure actuelle on est en train de parler de ça. Est-ce qu'on peut changer le set électrique en set acoustique, et le proposer à des endroits assis ; même si ça me paraît dément parce que Boost est un groupe explosif comme Crusher. Ce serait triste, mais si il faut ça pour pouvoir faire plaisir au gens, et nous prendre un peu de plaisir, on le fera. Pour tout te dire, ces jours-ci on se réunit avec le groupe pour réfléchir à ça. Parce que répéter notre set électrique, ça ne sert pas à grand chose. Le seul endroit où on a pu jouer c'était un petit lieu underground. Nous on aurait aimé jouer dans des festivals, faire notre tournée. On aurait aimé faire ce qui était normal, et on ne peut pas. On ne sait pas.
TOUJOURS SUR LE PLAN ARTISTIQUE, DE QUOI TU PARLES EN GENERAL DANS TES CHANSONS ?
En général Boost reste du Boost. Avec Boost on essaye d'apporter un peu de positivité, et de mettre le doigt là où ça fait mal pour dire aux gens "Bon, t'es un peu responsable de ta situation, essaye de te battre, essaye de te lever." Ce qui est à l'opposé de Crusher, c'est totalement l'inverse. Dans Boost on essaye d'être le plus positif possible même si parfois c'est un peu noir. Crusher, on est totalement nihilistes, c'est déjà trop tard, restons ce qu'on est, c'est à dire des rebelles, et battons nous jusqu'au bout. C'est ce qui me permet de jongler entre les deux. Chaque personne dans la vie a ces deux côtés, positifs et négatifs. Moi je le vis en musique. J'ai un groupe extrêmement noir et extrêmement nihiliste, et j'ai un groupe un peu plus positif qui essaye de voir les choses d'un autre Å“il.
POUR PARLER AUSSI DE CRUSHER, QU'EST-CE QU'ON PEUT ATTENDRE DU NOUVEL ALBUM ?
J'ai pu écouter ce week-end avec James, notre bassiste et producteur. C'est pas commun pour un groupe d'avoir un aussi bon producteur. C'est son job et il le fait à merveille. Au départ l'album de Crusher devait aussi être fait avec le Psyrus Studio, avec qui on a travaillé pour le Boost, mais quand James m'a proposé de prendre en charge la production de l'album, j'ai été sceptique au début, puis j'ai vu sa manière de travaillé. Parce que je le connais comme ami et comme bassiste, un exceptionnel bassiste, mais je ne savais pas à quel point il était bon producteur. Mais quand j'ai vu ce qu'il était capable de faire avec un de nos titres, je lui ai laissé les pleins pouvoirs pour produire l'album. Il fait un boulot phénoménal. à‡a ne rigole pas du tout, et je pense que c'est ce que Crusher aura fait de plus violent, ce qui est un euphémisme dans la mesure où on a toujours été considéré comme un groupe extrêmement violent. On a un line-up incroyable, entre Rémi, notre batteur qui joue aussi dans Svart Crown, c'est un tueur ; notre guitariste David joue dans Evolution Zero ; James a joué dans tous les meilleurs groupes autour de Nancy, c'est un bassiste d'exception. Donc je me suis fait plaisir, j'ai une dream team, même si c'est compliqué parce qu'encore une fois, on en a un à Nice, un en Normandie, un en Moselle et moi en Alsace. On y arrive, avec la technologie. L'album prend plus de temps, désolé à tous les fans qui me harcèlent sur messenger pour me demander "Quand est-ce que ça arrive ?" On fait de notre mieux, dans les conditions qu'on a. L'album avance et devrait arriver début 2021.
JE ME RAPPELLE AVOIR VU CRUSHER AU HELLFEST 2015, ET JE ME SOUVIENS D'UNE CHOSE QUI M'AVAIT MIS LA PUCE A L'OREILLE : POUR FAIRE BOUGER LE PUBLIC, TU DISAIS QUE LES VIEUX FOUTAIENT PLUS DE BORDEL A L'EPOQUE. C'ETAIT REUSSI, MAIS BLAGUE A PART, COMMENT TU VOIS L'UNIVERS METAL AUJOURD'HUI, TANT AU NIVEAU DES GROUPES QUE DES AUDITEURS ? PAR RAPPORT A QUAND CRUSHER A DEMARRE.
Je suis peut-être un vieux con, mais moi tout ce qui est "violent dancing", qui est arrivé récemment dans le Hardcore et le Metal, je me torche le cul avec. Je ne supporte pas. Je ne supporte pas cette idée de vouloir faire mal à quelqu'un qui est là pour la même chose que toi. Moi je viens du milieu Punk Hardcore des années 80 où à l'époque si un mec tombait dans le pogo t'avais dix mecs pour le ramasser. Cette idée de faire mal à quelqu'un je ne la comprends pas. La dernière fois que ça m'est arrivé c'était à un concert à la laiterie, et t'en as un qui a fait son putain de moulinet de merde et qui est passé à cinq centimètres du nez de ma compagne de l'époque. Je l'ai traîné par les cheveux jusqu'à la sortie et la sécurité m'a dit "On comprend." [rire] Je ne peux pas comprendre qu'on puisse essayer de faire mal à quelqu'un qui est là pour la même chose que toi, qui a la même mentalité que toi, qui vient regarder un groupe. Et je ne l'accepterai jamais. C'est pour ça que parfois sur les concerts de Boost ou de Crusher, j'arrête le concert en plein milieu du morceau, je descends, et je dis au mec "Essaye de me mettre un coup à moi pour voir." Je trouve ça totalement débile de se faire du mal alors qu'on est là pour partager la même chose.
Moi j'viens d'une scène où on se donnait tout, où on se partageait tout, on était l'un pour l'autre. En aucun cas la violence et la douleur ne doit rentrer en compte ; ou alors c'est que je suis vraiment trop vieux et il faut que j'arrête. Mais je ne pense pas. La nouvelle génération est tellement énervé qu'ils se font mal entre eux, ces bourricots, et je trouve ça con. J'aime les ambiances comme celle qu'on a eu il y a quinze jours à la brasserie du Framont avec Boost et Jail : il y avait une ambiance super bon-enfant, dans le tas, la moitié des gens n'avaient jamais entendu ce style de musique, et ils se sont amusés comme des fous. Nous on s'est amusés comme des fous, on a passé un week-end sublime. Pour moi c'est ça un concert. On est là pour s'amuser, pour partager. On est là pour les mêmes choses et on se fait plaisir. C'est la seule chose qui m'emmerde. Le violent dancing, ça m'emmerde. Surtout que la plupart des mecs qui se la racontent dans les pogos, tu les croises dans la rue, tu leur colles une tarte, et ils ne reviendront plus jamais faire les malins. Je trouve ça stupide. C'est peut-être moi qui vieillit, mais en concert, je préfèrent les gens qui sourient, les gens qui se parlent alors qu'ils ne se connaissent pas, que tout le monde se sente bien, que le groupe se fasse plaisir, et que le public suive. Par exemple, si je demande à tout le monde de sauter en l'air en même temps, qu'ils sautent en même temps ! C'est ça le bonheur d'être sur scène.
Aujourd'hui quand je vois un mec qui fait un moulinet qui passe à cinq centimètres du nez de mon ex-femme, là le mec mérite que je lui explose la tête et c'est complètement con. Ce genre de réflexion n'a rien à faire dans un concert de Punk, de Metal ou de Hardcore. C'est ça que j'aurais à dire à la nouvelle génération : arrêtez d'être cons, et veillez l'un sur l'autre. C'est pas en jouant le mec le plus violent du pogo que tu vas te faire des amis. C'est débile et ça me fait du mal. Le mec lui touchait le nez, il l'aurait pété. Et là j'aurai été obligé d'envoyer ce mec à l'hôpital, on n'aurait rien gagné. C'est maintenant qu'il faut s'entraider, c'est pas après.
Et pour répondre un peu plus profondément à ta question, je trouve que sur les nouveaux groupes, il y a une vague que je trouve vraiment super, notamment je le vois dans la salle où on répète sur Strasbourg, qui s'appelle le Kawati Studio, où tu as quelques groupes comme ça qui sont super solidaires. à‡a me rappelle nous quand on était dans les années 80 avec Mercyless, on répètait au même local, et on se prêtait les amplis parce qu'on n'avait pas les moyens d'acheter des Marshalls, on s'entraidait, et on vivait dans une vraie communauté, même si ça fait hippie. Si tout le monde faisait comme ça, ça irait mieux, en tout cas dans notre mouvement du milieu Rock, Metal, Hardcore, Punk, tout ce que tu veux. Mais putain si les gens étaient un tout petit peu plus solidaire avec les gens qui leur ressemblent, on avancerait plus vite.
COMMENT LES GENS PEUVENT TE SOUTENIR ?
Pour une fois je vais essayer de montrer l'exemple en disant que si ils veulent me soutenir, qu'ils soutiennent les groupes locaux, et les petits endroits comme la brasserie du Framont, les endroits comme ça où les mecs se battent pour faire vivre la musique live. Le seul moyen de m'aider, c'est d'aider les autres, parce que plus il y aura de groupes, et de salles ; plus il y aura de gens qui se mobilisent et se soutiennent pour garder un minimum de culture, mieux ça ira. J'espère que les gens se rendent bien compte qu'on est en train d'assister comme jamais vu dans l'histoire de l'humanité à la mort de la culture telle qu'on l'a connue avant.
Rien que dans mes amis proches, j'ai déjà plus d'un quart de mes amis qui ont fermé leur boîte. Leur boîte ça peut être du son, un bar, un café-concert. Ils ont perdu leur travail et leur vie. Donc si j'avais un message à donner ce serait : au lieu de m'aider moi, aidez-nous, tous. Essayez d'être solidaires et à l'écoute entre vous. Ce n'est pas parce que quelqu'un ne se plaint pas qu'il ne souffre pas. Essayez de creuser vos amis, et rendez-vous compte de la situation dans laquelle les artistes sont. Soyez solidaires. Parce que plus on sera solidaires, plus il y aura de gens qui le seront. Après voilà , j'suis peut-être un utopiste, mais c'est ce que je veux dire.
SI TU DEVAIS CHOISIR QUATRE TITRES À ECOUTER EN LISANT CETTE INTERVIEW, TU CHOISIRAIS LESQUELLES ?
Je dirais les deux titres que TU préfères dans l'album de Boost, ceux que tu préfères toi et que tu expliques pourquoi. Et pour Crusher, tu vas diffuser aussi le playthough de Narcosis par notre nouveau batteur Rémi, qui est un assassin.
POST-PROPOS :
Du coup, à écouter avec cette interview, je vous invite à vous repasser l'album Reboot de Boost en long en large et en travers, mais si je devais vous donner mes coups de cÅ“urs de cet album, les palmes vont à "Silence is a Gift" et "Misery of Men".
"Silence is a Gift", parce que ça peut paraître un peu facile de porter aux nues un titre qui ouvre un album, mais pour un arsouille comme moi qui achète des CDs, "Silence is a Gift" ça voulait dire le retour de Boost. Après avoir déballé de blister, fait le tour du CD, c'est le souffle de clavier flippant de "Silence is a Gift" qui a fait ronronner mes baffles. C'est aussi une entrée en matière ultra puissante où dans les premières minutes on entend tout le monde, notamment les deux chanteurs et leurs deux personnalités. C'est un morceau bordélique qui m'a rappelé à plus d'un titre un autre groupe que j'adore : SikTh (si vous ne voyez pas le rapport, écoutez Golden Cufflinks). Bordélique oui, mais implacable, avec autant de gros riffs que de grandes qualités mélodiques et atmosphériques. Arrivé à la fin du morceau, on se dit "Oh putain, ouais !", et on passe à la suite avec la dalle.
"Misery of Men" parce que pour le coup, a été mentionné pendant cette interview la multiplicité des influences qui découlent de Reboot, et c'est ce morceau qui a mené cet album là je où m'attendais le moins à le trouver. L'ambiance aride et arabisante allié à une grosse bourrinade bien Hardcore qui donne envie de sauter partout, ça m'a conquis du premier coup, et c'est dans ce morceau que j'ai trouvé l'alchimie des deux vocalistes (trois même puisque c'est le titre qui contient aussi le chanteur de Jaïl en guest) la plus épatante.
Quant au prochain album de Crusher, j'ai eu la chance de pouvoir entendre deux extraits du prochain album, et je puis vous affirmer qu'il faut s'attendre à une énorme baffe, des guitares très incisives et puissantes, des voix cryptiques, un riffing ultra efficace, très haché, groovy. En outre les deux extraits que j'ai eu la chance d'entendre m'ont semblé particulièrement Punk et sans chichi, par rapport à d'autres morceaux dans la carrière de Crusher. Dans les deux cas je n'ai pas entendu de solo de guitare, laissés au profits de breakdowns assassins. Pour tout vous dire, ça sonnait déjà énorme sans mixage ! En ce qui me concerne, j'allonge la monnaie à la sortie, et vous avez intérêt à faire pareil, tout en soutenant votre scène locale. Sinon, gare à vous.
Verveneyel
Un immense merci à Crass, et aussi à Jean-Yves de la brasserie de Framont.