Avant-propos (Je commence toujours mes interviews par une petite accroche. Comme pour l'interview, si elle ne vous plaît pas, n'hésitez pas à me le dire.) : Chers lecteurs, au fond, vous le savez, le monde va mal. Il va mal maintenant, et tout porte à croire qu'il ne va pas s'arranger. Et s'il est un groupe qui semble être d'accord avec vous, c'est bien Swarmageddon. Après un EP rondement mené sorti en 2018, le combo de Besançon a fait mijoter pendant deux ans un premier album, qui vient nous péter à la gueule en cet automne 2020, histoire de bien patauger dans nos idées noires jusqu'au retour du printemps. Si vous avez lu ma chronique, vous savez que cet album est une réussite critique. à‡a mérite bien qu'on aille creuser un peu sur le sujet. J'ai eu la chance de pouvoir discuter avec Guillaume (guitare) et Marion (chant), et c'est cette discussion qu'aujourd'hui je vous propose de découvrir ! Merci mille fois à eux pour leur gentillesse, et n'oubliez pas, chers lecteurs : soutenez votre scène locale ! P.S : Certains morceaux d'autres groupes ont été choisis par Swarmageddon pour accompagner cette interview.
https://swarmageddon.bandcamp.com/
SALUT, COMMENT VA ?
M: à‡a va... C'est un peu dur. On ne peut pas répéter, c'est assez frustrant. On répète nos parties chez nous, mais ce n'est pas la même chose.
G : Musicalement, c'est vrai que c'est relou...
L'ANNEE 2020 EST CE QU'ELLE EST, ET C'EST CETTE ANNEE QUE VOUS AVEZ CHOISI DE SORTIR INHUMAN, VOTRE PREMIER ALBUM.
M : Ce n'est peut-être pas un hasard...
G : Ce n'est pas un choix. En y pensant, peut-être que dans un an ou deux ans on sortira autre chose, donc si on repousse, encore et encore, on n'y arrive pas. On a pensé à repousser la sortie, mais comme on n'a pas de fenêtre de visibilité sur la fin de la crise, on ne peut pas envisager de tout le temps décaler. On veut avancer.
VOUS AVIEZ DES DEADLINES A RESPECTER ?
G : Pas du tout. On était libres.
M : On est autoproduit, on n'a pas de label, donc on a fait comme on voulait.
INHUMAN EST BIEN VOTRE PREMIER ALBUM ? PAR RAPPORT À "AN INFINITE LANDSCAPE" QUE VOUS DESIGNEZ COMME UN EP...
G : C'est ça. La différence est minime : l'EP faisait vingt-sept minutes, donc techniquement c'est un album. Mais quand on l'a fait, on ne le voyait pas comme ça. On trouvait que ça faisait un peu court, donc on le considère comme un EP. Dans l'industrie de la musique actuelle, le meilleur système, ce serait de ne sortir que des EPs, régulièrement, et ça marcherait mieux. Par contre, il me semble que la presse n'a pas du tout la même considération pour un EP ou pour un album ; ce que je comprends, parce qu'il sort des centaines d'EPs, qu'on associe souvent aux démos, avec un son moins bon. Malgré tout en ce moment, il y a des EPs avec un son excellent, ça permet simplement un rythme de sortie plus rapide. C'est aussi le moyen d'éviter de mettre des titres "remplissage" en plein milieu. C'est pour ça aussi que notre album est un peu court.
COMMENT S'EST PASSE LA COMPOSITION DE L'ALBUM ?
G : La composition a commencé juste avant la sortie du premier EP.
M : L'été 2018 précisément.
G : On avait déjà deux morceaux qu'on aurait pu potentiellement inclure sur l'EP, sauf qu'ils n'étaient pas assez peaufinés. On a aussi eu des changements de line-up avec le départ de notre bassiste et de notre guitariste. Donc pour Inhuman tout s'est fait entre 2018 et 2019.
RIEN QU'À VOIR LA COVER ET LE TITRE DES MORCEAUX, J'AI L'IMPRESSION QUE VOUS AVEZ CHANGE DE THEMATIQUES AVEC INHUMAN, EN ALLANT DE QUELQUE CHOSE DE POETIQUE A QUELQUE CHOSE DE PLUS FROID, NIHILISTE, MECANIQUE.
M : Oui. Là on part sur une dystopie. C'est une vision du futur qui est assez négative, pessimiste, mais c'est une vision. On ne cherche pas à faire quelque chose de réaliste.
G : C'était aussi globalement un choix, d'avoir une atmosphère plus sombre. C'est même dans la composition : on voulait quelque chose de plus direct, de plus sauvage.
M : On voulait effectivement quelque chose de plus lourd et moins aérien ; donc quelque part oui, moins poétique, plus réel. "An Infinite Landscape", c'était de la fiction aussi, mais c'était plus onirique. Là ça l'est moins dans les thématiques.
PAR CONTRE, TU AS AFFIRME BEAUCOUP PLUS TON CHANT CLAIR, MARION.
M : Avant, il n'y en avait quasiment pas, seulement en choeur. C'était en fond. Sur Inhuman, j'ai voulu développer ce côté là . Jusque là , je m'interdisait un peu, je me disais qu'il fallait être un peu puriste, un peu "TRVE". En fait, c'est nul. Autant faire ce qu'on veut.
ET DU COUP, COMMENT TU DECIDES CE QUI SERA EN CHANT CLAIR OU EN CHANT GUTTURAL ?
M : Souvent, le chant clair est assimilé aux parties plus calmes et mélodiques. C'est ce qui m'inspire plus. Je le vois vraiment pour servir les parties plus progressives, pour aérer un peu.
DE QUOI PARLENT VOS PAROLES ?
M : Dans Inhuman, il s'agit d'une Dystopie qui parle de ce que pourrait être l'avenir à partir de maintenant. à‡a évolue sur la thématique des machines qui prennent le pouvoir sur l'humanité.
G : Il y a une certaine chronologie dans les chansons. On raconte une histoire. "Of a Billion Screams", qui au départ ne faisait qu'un avec l'intro pour donner "Silence of a Billion Scream" ; commence par dépeindre le monde actuel, et les mauvaises décisions qui sont prises maintenant. On parle après de où ça pourrait nous mener.
QUEL REGARD AVEZ-VOUS SUR LA PLACE DES MACHINES DANS LA SOCIETE ?
M : On voit que l'intelligence artificielle est partout, et qu'elle se répand. Au moment où j'ai écrit les paroles, c'est vraiment une thématique qui m'intéressait : tout ce qu'on pouvait devenir. Après, je suis peut-être pessimiste, mais ça pourrait bien mal tourner. On se décharge de plus en plus sur les machines, pour se faire aider.
G : Et pourtant, on n'a pas plus d'espace pour s'épanouir en tant qu'humain. On est tous d'accord sur le fait que ça nous ajoute du confort, mais c'est un peu illusoire.
M : Ce que je voulais dire, c'est qu'à force, on met notre propre humanité de côté.
IL Y A MàŠME UN Cà”TE SERVILE QUI EST INDUIT PAR LE VISUEL DE L'ALBUM...
M : Exactement.
G : Au point de tout oublier, d'oublier le "naturel". C'est pour ça qu'on a choisi ce visuel.
QUI S'EN EST CHARGE ?
G : C'est Caelan Stokkerman, un artiste Américain qui a déjà travaillé avec Inferi, Misery Index... On est tombé sur ce visuel en cherchant sur Deviant Art. Il était à vendre, et ça collait tellement bien qu'on l'a commandé.
NIVEAU FORMAT VISUEL, VOUS AVEZ AUSSI SORTI UN CLIP POUR "REANIMATION". POURQUOI CE MORCEAU ?
G : C'est le premier clip. Avant ça on a quand même voulu faire une "lyric video" pour "Bloodstained Origami". On avait choisi cette chanson en premier parce que c'était la plus différente de tout ce qu'on avait fait auparavant. On aime faire des morceaux qui ont des styles d'écriture différents. "Bloodstained Origami", c'était à la fois le morceau le plus Brutal qu'on ait jamais fait, mais c'est aussi le morceau qui a le refrain le plus "Pop" au final. On l'a sortie en premier pour ça. à‡a nous permettait aussi de tâter le terrain avec les auditeurs. "Reanimation", au contraire, elle se détache un peu des morceaux d'avant, mais elle en reste très proche. Il n'y a pas de chant clair par exemple dedans.
M : C'est la première chanson qu'on ait écrite pour l'album, en 2018. On était donc plus encore dans l'énergie de "An Infinite Landscape".
G : Et donc on l'a choisi parce que c'est un bon morceau, bien accrocheur. Je trouve qu'il a un bon équilibre entre le Death Moderne qu'on pratique, et ce petit côté accessible qui pourra toucher plus de monde.
IL Y A EFFECTIVEMENT BEAUCOUP D'INFLUENCES DANS L'ALBUM. TOUS LES MEMBRES DU GROUPE COMPOSENT, OU DES PERSONNES SE DETACHENT ?
G : C'est moi qui compose tout, de la batterie au synthé. Ensuite Marion pose le chant et les paroles. Les autres musiciens apprennent ce que je leur donne, et font des changements là où il y a du feeling. Du genre : "Tiens, regarde, en changeant ça, ça fait dix fois mieux." Mais effectivement ils n'ont pas trop la charge de la compo. Morgan a réécrit la quasi-totalité des solos ceci dit.
PENDANT LE LAPSE DE TEMPS Oà™ LES SALLES DE CONCERT ONT PU OUVRIR, EST-CE QUE VOUS AVEZ PU DEFENDRE L'ALBUM SUR SCàˆNE ?
M : Pas du tout.
G : On ne l'a pas vu, ce lapse de temps. Et de toute façon, on ne pouvait pas répéter, donc quand bien même on aurait eu une ouverture, on n'aurait pas pu jouer.
M : Répéter chez soi, c'est un peu limite.
G : Notre set est assez complexe. On joue avec des samples, on joue au clic, on ne joue pas sur des vrais amplis... Il y a toute une mise en place à faire avant les concerts. On ne peut pas se lancer en improvisation en disant "Allez les gars, on apprend nos morceaux chez nous, et puis on les joue !"
M : La mise en place du son est compliquée à gérer dans notre cas.
G : On aurait pu jouer en novembre, mais bon, ça a été décalé…
M : La release party a aussi été annulée. Donc plus rien, pour l'instant. On attend.
DU COUP, QUELLES SERAIENT LES PROCHAINES ETAPES POUR SWARMAGEDDON ?
G : On a un tournage de clip qui est prévu, qui là aussi a été décalé. On va aussi faire des playthroughs, ce genre de choses, histoire d'animer nos réseaux. C'est à travers ça qu'on vit en ce moment. Et quand le confinement sera passé, on espère reprendre les lives. Mais là encore ça va être compliqué. à‡a fait un an que les concerts n'arrêtent pas de se décaler. Les festivals sont bookés jusqu'à 2022.
M : On se demande quand on va pouvoir jouer.
G : Est-ce que suffisamment de groupes vont splitter pour qu'on puisse s'incruster quelque part ? Haha. Je dis ça en rigolant, mais certains groupes vont sûrement mal le vivre. C'est pas forcément facile de reprendre après si longtemps.
TU JOUES SUR QUEL MATERIEL, GUILLAUME ?
G : Actuellement je joue sur une Legator Ninja. Une sept-cordes en multi-scale. Ce n'est pas forcément la meilleure guitare sur laquelle j'ai joué, mais elle fait le taf. Niveau ampli, on a une carte son, on joue sur ordi portable et on promène notre rack. Et donc nos simulateurs d'amplis ce sont les Neural DSP Archetype : Nolly. Pour faire simple.
QUELLES SONT LES AMBITIONS DU GROUPE ?
G : Je pense que les ambitions sont propres à chacun. On a une ligne directrice de qualité, qui nous rassemble. Après je pense qu'on a des rêves différents. Personnellement, je ne rêve pas de grand chose. En vivre, ceci dit, ce serait génial.
M : Ce serait mentir de dire le contraire. Au fond, clairement, ce serait le rêve, même si ce n'est pas forcément avoué. Je ne sais pas si c'est possible. On va essayer. Après, tourner aux USA, ce serait un kiff.
G : Le Japon aussi !
M : Moi ça prend toute ma vie, ou en tout cas, une bonne partie de ma vie. On a des rêves mais on est quand même réaliste.
QU'EST-CE QUI TOURNE DANS VOS PLAYLISTS ?
G : Le dernier Dark Tranquillity. Je suis un gros fan de Dark Tranquillity, mais sur les deux, trois... quatre derniers albums, j'ai un peu lâché. C'est vraiment un groupe qui a bercé mon adolescence. Et là , j'ai retrouvé quelque chose dans cette nouvelle production. Et sinon j'écoute pas mal le dernier Bring Me The Horizon.
M : Houla, il avait pas l'air fier de lui en le disant ! [rire]
G : Non, ce n'est pas ça. Mais bon, j'ai 32 ans, j'ai eu mon adolescence en plein dans l'apogée du Néo-Metal, j'ai toujours adoré Linkin Park première mouture, par exemple. Et je retrouve un peu ça dans Bring Me The Horizon. C'est nostalgique. Il est super bien produit, le son est fou.
JE TROUVE CE GROUPE INJUSTEMENT CRITIQUE.
G : Oui, et du coup c'est un groupe que j'avais complètement occulté, et que j'ai découvert avec cet album. J'ai bien aimé. Voilà . Et toi Marion, qu'est-ce que tu écoutes ? [rire]
M : Niveau Metal j'écoute Devin Townsend et Septicflesh, principalement. Véritablement, ce que j'écoute le plus, ça va être la Trip Hop et l'Opéra. Après j'ai aussi mon côté ringard, j'adore la musique des années 80 !
LAQUELLE ?
M : Ah non, ça, je ne le dirai pas ! [rire]
COMMENT LES GENS PEUVENT VOUS SOUTENIR ?
G : On n'est pas passés par Ulule ou quoi que ce soit, on n'a pas fait de cagnote pour financer notre album, donc n'hésitez pas à acheter du merch et des CDs, ça fait toujours plaisir. On ne gagne pas d'argent sur tout ça. Quand bien même on vendrait tout, on perdrait encore de l'argent par rapport au coût de production.
M : On n'arrivera pas à se rembourser. [rire]
G : On se sent toujours un peu coupable de vendre des trucs parce qu'on est artistes et pas commerciaux. Mais en réalité voilà , on ne gagne pas d'argent dessus, on ne fait pas de bénéfice. Donc n'hésitez pas. Sinon, pour nous soutenir gratuitement, suivez-nous sur les réseaux, abonnez-vous, mettez des pouces bleus, c'est bon pour notre visibilité.
M : C'est bientôt Noà«l, et on fait des promos en ce moment, tout notre merch est à -25% jusqu'au 12 décembre, donc là , il faut y aller !
G : Vas-y, on fait un jingle de Noà«l !
M : Ah non ! [rire]
VOUS AVEZ BIEN FAIT UN MORCEAU EN 8-BIT.
M : Oui, c'est vrai.
G : Je suis un gros geek. J'ai toujours aimé les sons 8-Bit. Quand on a sorti l'EP, c'était juste un petit kiff, le but n'était pas de le faire sur toutes les compos. Cette chanson est assez anecdotique. Je l'avais un peu oubliée.
M : Moi je l'aime bien ! [rire]
SI VOUS DEVIEZ CHOISIR QUATRE MORCEAUX POUR FAIRE LA BANDE-ORIGINALE DE CETTE INTERVIEW, CE SERAIT QUOI ?
G : C'est bizarre ça, de faire une OST d'interview ! C'est marrant ! [rire]
M : "Deadhead" de Devin Townsend, déjà .
G : Tu pourrais mettre "The Fall", de nous, parce qu'elle représente bien l'album, et toute l'énergie qu'on peut mettre dans une chanson, dans la composition. C'était...
M : Une galère !
G : Non, pas une galère, une sacrée aventure. On y a passé du temps, j'en suis très content. Après... "In Truth Divided" de Dark Tranquillity.
M : Et puis on peut mettre "The Last Escape".
G : Oui, c'est un peu l'équivalent de "The Fall" niveau travail de composition, mais sur l'EP. Je trouve que c'est un morceau super, j'en suis très content.