" Chronique de l'album "VISIBLE(S)" marquant le comeback de LA PHAZE et sorti sur le label At(h)ome. "
LA PHAZE, en voilà un groupe qui a bercé de nombreux ados durant la première décennie des années 2000. La force du combo était de pouvoir parler à plusieurs publics car leur punk-rock s'est toujours enrichi d'autres courants (reggae, rap, électro…). Le groupe angevin s'était pourtant séparé en 2012, notamment par peur de faire « l'album de trop ». Et comme souvent c'est lorsque l'on n'a plus certaines choses qu'elles commencent à nous manquer. C'est donc sans surprise que l'absence des angevins se faisait sentir sur la scène hexagonale. En 2018, la patience de leurs fans a été récompensée lors de l'annonce de leur réformation à l'occasion d'un « summer tour » mémorable ( https://www.youtube.com/watch?v=Ifhgz7iMOwA ) et 2 nouveaux titres (« Avoir 20 ans » et « Sourire au teint de glace ») . Ce comeback sur les planches était la meilleure (la seule devrais-je dire) façon de marquer leur retour car leur punk-rock s'apprécie d'autant plus en configuration live, lieu où le groupe et les spectateurs peuvent « communier ».
Après un EP 3 titres sorti durant le premier semestre 2020 (qui regroupait les 2 titres sortis en 2018 plus « Tabasse »), LA PHAZE nous propose enfin son nouvel album, « VISIBLE(S) », le premier depuis 2011 (« Psalms and Revolution »).
Alors quid de cette nouvelle galette ?
La première bonne nouvelle c'est que l'on remarque que le groupe a eu la très bonne idée de mettre ces 3 titres présents sur l'EP dans la première moitié de l'album, ce qui permet de faire une impression de découvrir uniquement de l'inédit.
Seconde bonne nouvelle : le groupe continue à regarder vers l'avant, en proposant une musique ouverte et toujours actuelle, sans regarder en arrière à l'image des lyrics sur « Avoir 20 ans ». Si groupe n'a plus 20 ans, cela ne l'empêche pas de s'adresser à la jeunesse dont il constate une précarisation de plus en plus grande. L'ambiance jungle donne un côté urbain qui colle parfaitement à la thématique. Le clip, présent en bas d'article, illustre parfaitement le message du combo.
Mais ce n'est pas le premier extrait des 11 morceaux présents sur l'album. En effet, « VISIBLE(S) » s'ouvre avec le militant « Comme David Buckel ». Ce titre fait évidemment référence à l'avocat américain qui s'était tragiquement immolé par le feu dans un parc. Il avait expliqué son geste dans une lettre où il exhortait notamment la population à être plus responsable envers la planète. Ce titre a un petit côté « popisant » qui permet de donner une saveur douce-amère au propos et de bien le garder en tête. Vous trouverez également le clip en fin de chronique.
On continue avec « Sourire Au Teint De Glace» où LA PHAZE fustige ce culte de l'individualisme exacerbé (« Me, myself and I ») dans cette société convalescente (« Nourrie de la frustration, dans nos cÅ“urs bien malades »). Le clip appuie encore parfaitement le texte et j'ai beaucoup apprécié la référence à Invasion Los Angeles (They Live) de John Carpenter.
« Tabasse » porte malheureusement bien son nom (il parle des violences conjugales, comme TAGADA JONES en son temps avec « Une Fois De Trop » sur l'album Les Compteurs à Zéro) et martèle avec cette combinaison rythmique dub/guitares saturée. Un titre qui fait mal, dans tous les sens du terme, et dont le message prendra encore plus « force » et de symbolique en live.
On enchaine avec « One Way » et «Highly Blessed » plus reggae, dans la langue de Shakespeare (avec toutefois un passage dans la langue de Molière pour le second titre) qui permettent de « respirer » après ces 4 titres plus chargés et lourds musicalement. Si ce n'est pas la facette que je préfère du groupe, il faut quand même reconnaitre que le métissage des univers sur « Highly Blessed » fonctionne bien. D'ailleurs, les fans de la première heure risquent d'apprécier ce gros clin d'Å“il au premier album « Pungle Roads » (sorti en 2002).
Viennent ensuite « Sortie de route » et surtout « Haute sécurité » qui, s'ils sont toujours musicalement moins lourds que les premiers titres, n'en demeurent pas moins graves dans les thématiques. Notamment « H.S » qui aborde évidemment le milieu carcéral, l'isolement et ses effets aliénants, des difficultés à se réinsérer. Le côté pop-rock, avec cette guitare en filigrane, apporte un côté roots et brut qui renvoie bien à l'image de la prison.
TAGADA JONES, j'en parlais plus haut, et bonne surprise : Niko vient taper un featuring sur « Cogne ». Un titre exécutoire, tel un pamphlet contre les violences, qui, à coup sûr, fera un malheur en live.
Il ne reste alors plus que 2 titres à découvrir : « Liberticide » et « visible ». Le premier marque le retour des ambiances dub/ Dancehall avec Lasai en featuring. Il a pour sujet la politique, les orateurs et leurs idées bien trop souvent vides (avec en passant une petite pique à un consultant/journaliste politique).
« Visible » se veut quant à lui plus électro, avec un groove hypnotique, presque viscéral (les machines et l'atmosphère hip-hop m'ont parfois rappelé l'album « Follow The leader » de Korn), et clôture ce 6ème album de manière efficace.
En conclusion un comeback réussi qui fait plaisir, les fans de la première heure ne seront pas déçus et les profanes pourront découvrir le groupe avec un "VISIBLE(S)" très varié et de très bonne facture. Je tiens également à souligner le fait que ce n'est pas facile de proposer des textes militants en français sans tomber dans certains clichés ; et LA PHAZE réussit à éviter les pièges des raccourcis, des lapalissades et autres facilités. On a hâte que cette crise sanitaire se termine pour les retrouver sur scène où ces 11 titres prendront encore une autre dimension.