À bien des titres, si l'année 2020 n'a pas donné les meilleurs augures sur le plan géopolitique et sanitaire en ses premiers mois, elle reste un excellent cru musical, du moins au moment où cette chronique est écrite.
En outre, 2020 est une bonne année car elle a marque le retour, après deux ans sans galette, des Toulousains de Slift.
Mais qui c'est Slift ? Vous demandez-vous sûrement! Ma foi, c'est un groupe de Rock Progressif avec une grosse dimension Stoner Doom, Post-Rock, et Space Rock. Et si vous vous demandez ce que ça peut donner avant même d'y avoir goûté, dites vous que c'est un peu comme si Métal Hurlant était un son. Et c'est probablement ce qui fait une force du groupe: ça sonne comme au bon vieux temps.
Comprenez-moi, l'album est chargé d'un esprit années 70, tant au niveau visuel, mis en oeuvre par nul autre de Caza (à noter qu'Ummon est le troisième album, et que ses prédécesseurs sont tout aussi chiadés visuellement), qu'au niveau musical. C'est une musique nostalgique, avec notamment une bonne basse bondissante qui rappelle les meilleurs albums d'Hawkwind, de même pour les guitares et les voix chargées en effets. L'ensemble est lourd, épais, mais reste paradoxalement assez aérien grâce à des aigus finement dosés dans des gammes inhabituelle. Avec chaque riff, on verrait presque les montagnes de planètes inconnues s'élever au milieu d'un désert à la couleur étrange, peuplé de bêtes difformes. Disons le, Slift, dans leur dernier album, c'est le genre de son qui vous donne envie de vous remettre à Stefan Wul et à René Laloux. Je n'en ai pas encore parlé, mais le son de la batterie, noyée dans le mix, dosée à la perfection, soutient l'édifice avec brio, avec un jeu entre groove bien senti et doigté délicat. L'exécution de l'album tout entier est à fleur de peau, sorti des tripes, et rempli d'imaginaire.
Malgré tout, la modernité est également au rendez-vous avec une production aux petits oignons, et cette touche prononcée de Post Rock. Tout résonne, tout n'est qu'écho, tout décolle. Slift, c'est une musique qui a eu le temps de s'abreuver du meilleur.
Le plus impressionnant dans tout ça reste encore que cet édifice monumental est soutenu par pas plus de trois musiciens, en studio comme en live, qui sont en plus bien loin du statisme de beaucoup de musiciens progressifs sur scène; je vous conseille d'ailleurs de regarder leur live sur la chaîne youtube KEXP, ça dure une demi heure, et ça n'est déjà pas assez après un retour aussi fracassant. Maintenir une tel qualité du studio à la scène, sans perte, et avec une bonne présence, c'est précieux !
Bien entendu, avec les facéties du coronavirus (excusez mon euphémisme), on aura été privé de nombreuses performances du groupe, mais surtout, dans un futur plus brillant, foncez, allez les voir, soutenez notre scène, autorisez vous des voyages spatiaux dont Thomas Pesquet n'a jamais rêvé; Slift vous donnera tout ça !