Sur tous les médias où j'interviens, je me retiens très souvent de chroniquer, passer, commenter Iron Maiden. La raison est simple : c'est sans une ombre d'hésitation mon groupe préféré, une source d'inspiration majeure et un projet qui me transporte dans l'ensemble de sa discographie. J'ai toujours peur qu'en ouvrant les vannes pour en parler, on mette en doute mon honnêteté intellectuelle, ou d'agacer les gens avec ce qui pourrait relever du matraquage pour certains. Seulement voilà , à la vue de la vague de vindicte qui s'est abattu sur le dernier né des écuries Iron Maiden, je me suis dis que j'allais sortir de ma réserve pour donner mon opinion honnête sur cet album, qui ne mérite certainement pas toutes les diatribes qu'il récolte, et dont les amateurs ne méritent pas les insultes qu'ils ont reçu sur les réseaux pour avoir daigné passer un bon moment.
Pour vous donner un peu de contexte, cet album m'a inquiété quand il a été annoncé. À vrai dire, "The Book of Souls" contenait pas mal de bonnes choses, notamment "If Eternity Should Fail", "Man of Sorrow" et bien-sûr l'immanquable "Empire of Clouds". Ce qui m'avais un peu plus refroidi, c'était le live à Mexico city, pas nécessairement désagréable au niveau du choix des morceaux, mais qui me semblait pêcher cruellement du côté du son. Et puis après tout, c'est toujours ça avec les choses qu'on aime : on est parcouru d'angoisse à chaque nouveau dans l'espoir de retrouver l'étincelle.
Et puis, j'ai été sincèrement rassuré par les sorties de "Writings on the Wall", ainsi que "Stratego", comme mise en bouche : le premier me réjouissait énormément car il laissait penser que Maiden allait proposer quelque chose de joyeusement Prog, avec de l'acoustique et des passages épiques vraiment rafraichis, un peu à la manière d'un "The Talisman" qui est pour moi un des meilleurs titres du groupes ces 20 dernières années. L'autre laissait penser aussi que le groupe revenait au toucher qu'il avait sur "A Matter of Life and Death". L'album susnommé étant excellent, c'était une bonne nouvelle.
Le jour fatidique, ni une ni deux, je sors du boulot et fonce chez mon disquaire acheter ma copie.
Sincèrement cher lecteur, j'ai passé un bon moment, et je suis navré pour ceux qui n'ont pas eu ce sentiment. Parce qu'effectivement, l'approche progressive, celle qui me semble la plus savoureuse, elle est bien là ! On retrouve dans ce "Senjutsu" les saveurs de "X-Factor" dans le côté épique et sobrement orchestral, des mélodies et refrains qui rappelleront "Brave New World" vocalement, des solos qui tiennent la route malgré le jeu parfois bordélique de Janick Gers, des gimmicks à chanter dans les stades... Et franchement, ça fait plaisir ! N'en déplaise aux empêcheurs d'écouter en rond, "The Time Machine" est un pur bonheur de morceau, très rétro, très 70's, avec des mélodies magnifiques et un agencement très juste au niveau de la structure. On trouve aussi un côté "Fear Of Dark" (le morceau), qui donne envie de chanter les guitares. Tout ça c'est délectable. Et ce n'est pas le seul !
Alors certes, l'album a son lot de morceaux relativement génériques, comme "Darkest Hour" par exemple : envers et contre tout, force est de constater que Steve Harris est un peu coincé dans une série d'accords qu'il répète sans relâche. Le résultat n'est pas mauvais, très loin de là , mais disons qu'on retrouve dans cet exemple pas mal de ficelles déjà connues.
Mais une fois qu'on a dit ça, les gens se rendent-ils seulement compte de la santé de Bruce Dickinson ? "Senjutsu" est nettement moins criard et bien plus solide vocalement que ses deux (voire trois) prédécesseurs, les morceaux sonnent puissants et habités, notamment parce que la voix est excellente.
On ne peut nier non plus qu'Adrian Smith est très en forme, avec des riffs très lourds, très emphatiques. Les amateurs de "The Wicker Man" ou "A Different World" avaient largement de quoi se sustenter sur "Senjutsu". La production moderne, pas forcément très dynamique mais à mon goût meilleure que sur "The Book of Souls" n'enlève pas ça. C'est un album qui n'a pas oublié d'être puissant.
Et j'entends par-ci par là que les morceaux longs, c'est agaçant et inutile. Désolé pour tous ceux à qui ça fait de la peine, mais je suis totalement emporté par un "Death of the Celts", qui fait vraiment travailler l'imaginaire, et qui est un pur bonheur délirant au niveau des guitares. "The Parchment" aussi a vraiment des atmosphères sympathiques, presque cinématographiques, et qui justement se déroulent dans tout leur potentiel parce que les morceaux prennent leur temps.
Une dernière chose que je tenais à souligner, mais qui n'a pas vraiment d'impact sur la perception globale : Iron Maiden existe depuis 41 ans, et sort avec "Senjutsu" son 17è album. Hé bien, pour un 17è, qui sort après toutes ces années, je trouve clairement que ça n'est pas déconnant, notamment par rapport à un AC/DC qu'humblement je trouve essoufflé et ramolli ; un Trust bon musicalement mais tournant à vide côté paroles sur leur dernier opus, ou des Kiss, Motley Crue, Aerosmith, Black Sabbath, qui ne font plus rien depuis longtemps. Il y a toujours de la fraicheur, toujours du feu, toujours ces mélodies celtisantes qui sonnent du feu de dieu, cette impression de gigantisme dans les refrains.
Alors oui, certes, brave gens, après 40 ans de métier, on n'est plus aussi pétillant qu'au début. La recette devient connue, la surprise s'amenuise ; notre groupe préféré ne peut plus sonner comme des jouvenceaux qui sortent de salle de répèt'. Peut-être que l'étincelle est un peu moins forte. Si on oublie le fait qu'une douillette proportion des rageux ne laissent aucune chance auxdits jeunes groupes inconnus, à quoi bon attendre la révolution chez des groupes de 40 ans ? Bien-sûr que Maiden a une patte reconnaissable entre mille, des gimmicks qui reviennent, une façon de faire qui n'est plus forcément aussi originale ; mais si vous n'êtes plus en mesure d'aimer cette emprunte, d'apprécier ce riffing, au point que ça vous empêche d'y voir la fraicheur qui persiste ; ce n'est pas la faute du groupe, c'est juste qu'il faut que vous alliez voir ailleurs. Parce que sincèrement, moi, ce son là , cette manière de composer, ces recettes qui font que même en 2021, on reconnait que c'est Iron Maiden qui joue, je les adore ! Après tout, on n'oserait pas dire à Picasso "Dis donc, tu fais chier avec ton cubisme", ou a Midam "Euh, sinon, tu sais faire autre chose que de dessiner dans le style de Kid Paddle ?", alors pourquoi, en musique, ferait-on autrement ? Réfléchissez-y, ça peut vous faire sauver de l'énergie sur les réseaux. Iron Maiden, en vieux de la vieille du Metal, font du Iron Maiden. Et en quoi ce serait mal ? Une dernière fois, avec un peu d'honnêteté, en l'écoutant plusieurs fois et en y faisant attention, ce "Senjutsu" est un excellent album, réjouissant car il témoigne de la bonne santé du groupe, et laisse présager de sacrés moments en concert !
Je vous laisse sur ces belles paroles, je vais me remettre "The Time Machine" à fond. Salut les ulcérés !