Il est difficile de mesurer l'impact qu'ont eu les bâtisseurs d'architectures sonores, Grecs de Nightfall sur la musique extrême, non seulement dans leur pays d'origine mais aussi à travers le monde. Chaque album est façonné d'une main de maître, ils explorent et repoussent les limites de cette créativité qui n'a de cesse de grandir. Le dernier album, "At night we prey", ne fait pas exception à la règle. Sorti le 05/03/2021 sur l'excellent label Season of Mist, ce dernier opus s'articule autour de 10 titres pour une durée de 46 minutes et 12 secondes.
Nightfall c'est depuis 1991, 30 années de mausolée, 10 albums dont celui qui m'a introduit dans la lecture du Doom Death et qui reste en ce qui me concerne l'album jamais égalé "Parade into Centuries", sortie en septembre 1992 chez Holy records. Je pourrais écrire des pages et des pages sur cet album, mais je vais éviter et te laisser, lecteur de Blastpheme, sous ce lien, découvrir ou redécouvrir l'atmosphère de celui-ci.
Nightfall c'est aussi un état d'esprit, la marque de l'underground qui prend possession de chaque individu pour ceux qui pénètrent en son sein. Ce n'est pas une pompe à fric loin de là , c'est un art, l'art de l'écriture, l'art du combat contre son propre reflet, ses propres peurs... Par la musique, ils guérissent les et leurs âmes brisées.Pas d'incantation, pas de Sabbath, pas de rituels démoniaques et autres allusions à quelconque empereur du mal. Ils affrontent les entités qui rôdent autour des êtres, pour les pousser jusqu'à la lumière et les consumer grâce à celle-ci. Je vous présente aujourd'hui avec émotion, tellement mon respect est immense pour Nightfall, ce nouvel acte, je nomme tout de suite "At night we prey".
Morphée tisse le refuge de notre esprit afin que celui-ci y retrouve la paix, mais pas pour tout le monde. L'obscurité lorsqu'elle atteint le cerveau, s'insinue créant une déstabilisation, créant ainsi le spectre de l'angoisse... "She loved the twilight" démarre ainsi. Dès les premières notes, le ton est donné. Nightfall va au bout de son idée et compose ce qui s'annonce être pour les 46 prochaines minutes, un récit sur la paranoïa, la maladie psychiatrique…Cette instrumental inquiétante s'efface à la 53 èm secondes ? Ligne rythmique mélodique, qui prend de plus en plus de puissance avec le martèlement hypnagogique de Sir Fotis Benardo, pour se révéler en morceaux Thrash/Death Melo. "Killing Moon" peint l'opéra cauchemardesque, de cette folie qui est le plus souvent perçue comme un châtiment divin envoyé aux hommes en proie à la transgression des règles qui régissent les codes d'une norme. Norme dont Efthimis Karadimas s'affranchit et vomit cet enfermement psychique vécu.
La peur de la mort est irrationnelle et emporte l'être humain peu importe sa volonté au plus profond de ses peurs. L'idée de la mort insufflée par Thanatos s'ancre en nous, même lorsque nous en faisons abstraction. C'est l'enveloppe qui entoure "Darkness Forever", titre résolument Thrash qui emporte l'auditeur dans cette sphère musicale propre au peuple Grec.
Cette ambiance particulière aux odeurs d'embruns, de sel et de mythologie que comporte ce peuple de l'eau. Ce folklore puissant que l'on rencontre dans chaque sortie d'albums de musique rock hellénique, Nightfall, explore les fonds labyrinthiques de ce voyage. Efthimis Karadimas fait de nous ses Thanatonautes et poursuit cette avancée avec "Witches". Le chemin se poursuit avec ce coffrage à l'humeur dépressive et à l'anxiété palpable. La mélancolie semble remonter aux origines de l'humanité et se nourrir de la finitude et du temps. "Witches" cavale sur un rythme chaotique, se modifiant au gré du travail implacable de Mike Galiatsos & Kostas Kyriakopoulos. Les riffs renforcent cette violence et cette rage d'où sortent des ténèbres, les voix des sÅ“urs Vougioukli. Difficilement cernable car complexe dans son émotion, ce morceau est une véritable force dans cet album.
Les promesses sont souvent faites sans réfléchir et sans réelle intention de les tenir. Promettre dès l'enfance une vie colorée, à l'abri des cataclysmes, en indiquant une forme de protection n'est au final qu'un tissu de mensonges. "Giants of anger" dans son approche Doomy, laisse la part belle à Fotis Benardo, qui part sa rythmique influence l'aura cauchemardesque de ce titre et permet d'ouvrir les portes de "Temenos".Sanctuaire façonné par les mains de nos craintes primaires, celles-ci envahissent le quotidien, se transforment en cauchemar la nuit, semblent partir puis reviennent. Le growl stygien d'Efthimis n'est pas sans rappeler la grande période de Tiamat à ses débuts. En plus des riffs doomy lourds et des riffs Death/Black orientés Thrash, cette pièce brille par les blasts épileptiques du batteur de Necromantia.
Magnifique morceau à mon sens qui suit, ouvert par les chÅ“urs des sÅ“urs Vougioukli, ce lyrisme envoutant, angoissant ainsi que ce breuvage toxique d'émotions alambiquées, rend l'ensemble de ce Black/Death harmonieux. Que douce est la mort quand on meurt avec ceux qu'on aime, si c'est l'arrêt du destin !"Martyrs of The Cult of the dead" est une rétrospective de ce qu'ils ont pu faire dans le passé. Heavy dans son atmosphère, Nightfall prouve une fois de plus qu'ils savent d'où viennent leurs racines. Mention pour les solos qui sont vraiment efficaces.
"At night weprey" réunit tous les éléments de ces 30 années dans une composition. Doom/Death et subtilités électroniques. Refrain véhément et voix féminine qui semblent envouter nos âmes. Le travail sur les compositions de grattes fonctionne avec cette voix charismatique sépulcrale menaçante qui rajoute un degré tragique, à cet opus déjà bien marqué."Wolves in the head" clôturecet album avec force.
Qu'est-ce qu'en pense Hokuto 2 Kuizine de ce dernier album ?
Intéressant, un silence d'un peu plus de 7 ans après la sortie de Cassiopeia, et voilà un album exutoire. Les changements de line up font partie du parcours de Nightfall et c'est ce qui fait aussi sa force. Le mouvement permet la créativité, donner de l'impulsion et donner vie à des projets. C'est là tout le secret de ce grand groupe."At night weprey" est une rétrospective qui annonce un nouveau départ au sein de Season Of Mist. Ils signent un album honnête, avec ses petites imperfections, qui rendent l'ensemble authentique, sans blabla, sans faux-semblant, fidèle à l'underground. Ce ne sera pas en ce qui me concerne le disque de l'année, mais il fera partie de mon top 10 2021. Pour étayer aussi cette chronique, j'y inclus l'interview de LoudTV avec Fotis Benardo.Toute l'équipe de Blastpheme, remercie Joe qui est le boss de Loudtv, pour nous avoir donné l'autorisation d'inclure l'interview. Force a toi ainsi qu'à ton webzine.