Renversement : Poppy - I Disagree

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Verveneyel

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1 août 2023

" Chers lecteurs, j'espère que vous êtes venus avec des casques, parce qu'une fois n'est pas coutume, aujourd'hui je règle mes comptes, et ça risque de faire mal à  la conscience de certains. Je vous le dit tout de suite, l'introduction va être longue, mais elle a toute son importance. "
Chers lecteurs, j'espère que vous êtes venus avec des casques, parce qu'une fois n'est pas coutume, aujourd'hui je règle mes comptes, et ça risque de faire mal à  la conscience de certains. Je vous le dit tout de suite, l'introduction va être longue, mais elle a toute son importance.
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Je ne suis pas du tout membre de cette caste mortifère qui pense que le Metal est mort, que le style a vendu son âme, qu'il est devenu une espèce de foire à  la saucisse que tout le monde s'approprie pour de mauvaises raisons. Je le suis d'autant moins que beaucoup de gens tiennent des discours contradictoires : il n'est pas vraiment marginal d'entendre des gens se plaindre d'un côté que le Metal n'a pas la reconnaissance qu'il mérite, tout en jalousant honteusement le succès de Gojira, Mass Hysteria ou Ultra Vomit, le tout en ne faisant pas souvent l'effort de s'intéresser aux différentes scènes locales, ou de découvrir de nouveaux combos. Jamais contents en somme. Vous trouvez que j'exagère ? Ma foi, quand des salles de concerts annoncent qu'ils vont être obligés d'inviter plus de tribute bands parce que ça attire plus de monde, quand toute une communauté a la flemme de se déplacer pour un concert gratuit, et quand la majorité des gens préfèrent aller se rechercher une bière que d'acheter un CD à  5€ ou un t-shirt à  10-15€, j'ai l'impression de ne pas être trop loin de la vérité.
Le Metal n'est pas mort, il n'a jamais cessé d'évoluer, l'ancien est toujours là , le nouveau est en constance expansion, et le Metal s'affirme de plus en plus comme une musique grand public. Là  encore, ce n'est pas moi qui le dit : en 2015 CNews publiait les résultats d'un sondage sur les goûts musicaux de la population Française. 4% des personnes interrogées ont répondu que le Metal était leur style de musique favori. Vous trouvez que c'est peu ? À l'échelle du pays tout entier ça correspond à  environ 2, 68 millions de personnes, et c'est quasiment autant que le Jazz et l'Electro. Ce sondage ne prend d'ailleurs en compte que ce que les gens déclarent comme musique préférée, ça ne comprend donc pas les personnes qui vont écouter du Metal de façon plus occasionnelle. La musique Metal est donc mainstream d'une certaine manière. Dans les faits, il est inutile de vouloir désespérément jouer les ours des cavernes, et de rêver à  un Metal de cocagne, underground et dangereux. Personnellement, je suis totalement en faveur de la reconnaissance du Metal comme musique de grande écoute, qu'on le débarrasses de ses préjugés.
Un deuxième point que je souhaite aborder avant de véritablement entrer dans la chronique de l'album qui nous intéresse aujourd'hui ; c'est qu'il me semble que ces derniers temps, la musique Pop s'assombrit sensiblement. Là  où, au hasard, Coldplay, Avril Lavigne, Blink 182 et autre Birdie, Rihanna, Lady Gaga ; ont saupoudré les années 2000 et 2010 d'un halo enjoué, grivois et coloré, il me semble qu'une descente s'est initiée pour arriver à  des années 2020 plus sombres. Die Antwoord a fait son bout de chemin dans l'imaginaire collectif, la trap est devenu un courant dominant du Rap, et on voit poindre des projets très grands publics plutôt tournés vers la noirceur. Là  encore, je m'en réjouis beaucoup, car je trouve que ça génère des ambiances assez agréables et un climat très stimulant. Là  encore, certains lecteurs vont en faire des malaises, mais je suis vraiment ravi du succès de Billie Eilish et de la démocratisation de Bring Me The Horizon.
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Ces deux éléments ont toute leur importance car l'album du jour, dernier en date de la chanteuse Poppy, est représentative d'un cas d'école de l'évolution de la musique Metal dans le goût du public.
"I Disagree", c'est un album comme on en a peu l'habitude, qui suinte l'inventivité, et un certain goût pour les mélanges. On retrouve à  la fois la lourdeur sautillante d'un Nu Metal moderne bien mordant, des touches éparses de Trap, des solos de guitare qui parfois rappellent le son de Brian May, des voix typiques de l'Electro un peu Punk criarde façon Kap Bambino ou IC3PEAK (si d'ailleurs vous ne connaissez pas ces projets, foncez!) ; mais surtout, des passages vraiment Pop, parfois presque Dream Pop, avec des mélodies entêtantes, des claviers tout mignons, une petite voix teenage toute fluette. Contre toute attente, ça fonctionne, au point qu'on pourrait parler de musique progressive. Les morceaux sont imprévisibles, mais étrangement cohérents, plutôt fédérateurs, et chaque élément stylistique qui constitue le mélange semble avoir été très soigneusement étudié pour être crédible.
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Du côté proprement Metal se dégage quelque chose d'oppressant, mécanique, froid, parfois assez chaotique. Ces moments arrivent souvent pour troubler de manière radicale des moments de calmes, faire peser la menace sur les morceaux dans lesquels on baisse nos gardes. "Anything Like Me", avec ses moments presques Post-Rock teinté de ballade acoustique, est assez révélateur de cette dualité. On retrouve parfois le même genre de panique de laboratoire qui fait le charme de Lacuna Coil (c'est très net dans un morceau comme "Fill the Crown"). Il y parfois du Tim Burton par-ci par-là  infusé dans l'atmosphère, là -encore du meilleur goût.
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Les pans plus électroniques et plus doux sont également une vraie réussite, qui pourraient raccrocher à  l'attelage les fans de Darkwave, et bien-sûr, les amateurs de bonne Pop mélodique fédératrice. C'est assez léger, avec de sympathiques harmonies vocales qui rappellent un peu Princesse Chelsea. On sent aussi une grosse influence J-Pop sur certains passages comme au début de "Concrete", très ensoleillé, légèrement rose bonbon (pour mieux vous prendre à  revers avec un gros breakdown). Cette inspiration se confirme d'ailleurs dans le titre éponyme qui contient quelques lignes de texte nippon.
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Pour un album qui ose la longueur (10 titres, 4 chansons bonus), on ne peut que saluer l'audace au rendez-vous à  chaque seconde, et l'intelligence de la composition ; c'est en tout cas mon opinion. C'est d'autant plus important de le défendre qu'il sera inécoutable et inacceptable pour beaucoup de métalleux, non pas à  l'issue de l'écoute mais par la nature même du projet : on n'est pas obligé de tout aimer, mais beaucoup de bourrins jugent des artistes avec les yeux, voire les oeillères, plutôt qu'avec les oreilles. C'est un vrai coup de coeur pour moi, dont j'attends avec impatience la succession. Je reconnais avoir connu Poppy relativement tard, grâce à  la WWE et leur événement NXT Takeover Stand & Deliver ; j'ai découvert en préparant cet article que Poppy était également autrice et vidéaste, des facettes qu'aux vues de la musique il me tarde de découvrir. En réalité je vous le dit, le Metal est en excellente santé, car il continue de repousser ses frontières, et d'être réinventé par de plus en plus de personnes d'horizons et milieu variés. Merci Poppy, pour y avoir cru, pour avoir tenté, et pour avoir réussi haut la main.