Un chef d'oeuvre mésestimé : The Price of a Mile - Sabaton

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Verveneyel

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1 août 2023

" Pour ce petit voyage hors de l'actualité, je vous propose de revenir en 2008. Déjà  presque quinze ans qu'est sorti l'album « The Art of War » de Sabaton, leur quatrième au compteur alors que le groupe n'en finit plus de monter dans l'estime du public. Les circonstances feront que « The Art of War » deviendra l'album le plus joué en concert de l'histoire de Sabaton, très loin devant « Carolus Rex ». "
Pour ce petit voyage hors de l'actualité, je vous propose de revenir en 2008. Déjà  presque quinze ans qu'est sorti l'album « The Art of War » de Sabaton, leur quatrième au compteur alors que le groupe n'en finit plus de monter dans l'estime du public. Les circonstances feront que « The Art of War » deviendra l'album le plus joué en concert de l'histoire de Sabaton, très loin devant « Carolus Rex ».
Description de l'image
Dans ce très bon album, la chanson qui va nous intéresser aujourd'hui tient la 11ème place chronologiquement : j'ai nommé « The Price of a Mile ».
En enquêtant pour cette chronique, j'ai constaté plusieurs choses : la première, si pendant les quatre années suivant sa publication le titre était généreusement interprété en concert, il disparaît presque tout à  fait des programmes entre 2013 et 2019 tandis que « Ghost Division », du même album, se maintient de façon constante jusqu'en 2022.
La deuxième chose, c'est que le même « Ghost Division » fait partie des dix morceaux les plus écoutés de Sabaton, et pas "The Price of a Mile".
Autrement dit on ne tient pas là  le titre le plus populaire du groupe. Et pourtant, quand il a été question de réactualiser certaines chansons en 2021 par des clips vidéos tous beaux tous neufs, « The Price of a Mile » a été exhumé. Peut-être le groupe avait-il réalisé à  quel point ce morceau reflétait la qualité de leur composition. Faute de quoi, c'est tout de même ce postulat que je vais développer. Me mouillant ainsi en tant que chroniqueur, je pense que « The Price of a Mile » est un des plus beaux efforts du groupe, le genre de morceau qui fait taire les quolibets.
Sur le plan musical, c'est d'abord un très solide morceau de Sabaton où tout rentre en cohérence pour construire une atmosphère. Les guitares proposent un catalogue de riffs très simples, avec une ascension mineure toute simple en intro qui donne le ton épique du morceau. Cette simplicité va rendre le morceau imparable jusque dans le solo, fait de notes longues mais pleines d'impact. Plus que jamais, qui peut le plus peut le moins : c'est la gloire de l'économie.
Avant tout, le groupe offre avec « The Price of a Mile » un morceau dans la trempe de ceux qui leur réussit le mieux : les morceaux mid-tempo. Plus lent que « Primo Victoria » et « Ghost Division », assez comparable à  « Carolus Rex », la vitesse d'exécution fait que le morceau est globalement plus pénétrant, et cohérent avec son sujet. La batterie martèle sur les temps, dans son plus simple appareil, et on se retrouve à  taper du pied tout naturellement. On visualise le rythme de la marche des soldats décrite dans les paroles à  travers le son. Le tempo permet aussi au frontman de poser ses paroles, et d'éviter des empressements parfois un peu plats comme le « 1944 » du refrain de « Primo Victoria ». Tout est intelligible, pesé, et le chant est finement composé pour créer systématiquement l'ascension partant du couplet, prenant son envol sur les ponts, et explosant sur les refrains.
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Parlons des paroles maintenant. On pourrait penser en jetant un Å“il au texte de Joakim Broden qu'il n'y a rien de bien extraordinaire à  se mettre sous la dent. Un texte sur la guerre de plus ou de moins, qu'est-ce ça peut bien changer ? Un détail des paroles m'a vraiment frappé à  la lecture, ce qui me laisse penser que consciemment ou pas, Broden a eu un petit coup de génie avec cette chanson.
Avant de lancer le refrain, la chanson pose la question : « Quel est le prix d'un mile ? » (« What's the Price of a Mile ? »), et systématiquement, le refrain commence par un nombre. à‡a a l'air idiot, mais il me semble qu'ici on a un jeu sur tout le côté métaphorique de la question ; il serait incongru de demander le prix d'un mile. Mais la chanson répond avec le sens littéral. Un mile, c'est des milliers d'âmes. On retrouve notamment dans un couplet la comparaison entre le grignotage de six miles pour des milliers de vies parties. Le refrain est parsemé de mesures et d'échelles. On a le « long way from home » qui nous donne une distance, le « knee-deep in mud » qui nous donne une profondeur. La chanson fait une image en demandant le prix du massacre, et répond par des chiffres ; pardonnez-moi je trouve ça futé. On va jusqu'à  nous donner la monnaie d'échange : la vie de jeunes hommes coincés dans des tranchées à  Passchendaele.
Ces champs de Passchendaele sont même personnifiés, comme une sorte d'entité dévoreuse réclamant un sacrifice dont on souligne l'inutilité et l'absence de gloire.
On retrouve encore pêle-mêle quelques belles images comme les armes comparées à  la pluie dans le premier couplet, car il convient de rappeler que la météo a contribué à  rendre Passchendaele un véritable enfer.
Enfin, j'aime la ligne qui nous explique qu'au beau milieu de la nuit, le général appelle, et la bataille se poursuit sans relâche. En soit elle n'est pas forcément aussi forte et imagée que le reste, mais elle est entonnée avec emphase, elle appuie ce sentiment de flux continu d'hommes, de munitions, de pluie, et d'énergie sans repos.
Vous l'aurez compris, c'est une merveille de chanson, une vraie fierté du Power Metal, qui a su capter de manière poétique un moment de la Grande Guerre, avec suffisamment de retenu pour ne pas se perdre dans la vaine gloriole et la fragilité historique. C'est un bel hommage, bien écrit sur tous ses aspects.